2019/12/31

Christian (Métroscopie 184)



Cette matinée, par le soleil, est à nouveau fabuleuse. Et je vais à mon boulot pourri comme un con. La seule chose qui me soulage un peu est de savoir que je ne suis pas le seul.
 
Au fond du wagon, deux amoureux dorment tête contre tête. Mais cela se trouve, ils ne sont pas amoureux et ne se connaissent même pas. S’ils se réveillent à la même station, ils vont se foutre une de ces peurs (d’autant que le mec a un physique plutôt ingrat).

En face de moi, une femme costaude est plongée dans une lecture saine et  revigorante : Détective. Titre et sous titre de l’article : Assassiné par leur mère ; cinq cadavres d’enfants dans la maison du désespoir... Avant que je ne m’immole d’un pêt nauséabond, interne et dévastateur, je jette un coup d’œil désespéré sur le journal que lit mon voisin de droite et que vois-je ? La photo d’un poulet cuit cerné de patates à la vapeur. Ok, j’ai compris, pas la peine de tenter de faire un gratte-gratte aujourd’hui.

Au niveau d’Anthony, Christian, 57 ans, la voix enrouée par des années de galère et forte comme dix taureaux propose aux passagers des Itinérants et des grilles de Sudoku à compléter (qu’il prononce « cul » comme une promesse de pornographie). Je fouille dans ma poche. Zeube, pas de pièce. Il ne me reste plus qu’à faire comme la majeure partie des gens dans le wagon. Fixer mes pieds.

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