2013/05/28

Philippe Djian, Marguerite Duras et l'animatrice radio (Scène de vie 14)


La nana qui anime l’émission radio sur Marguerite Duras a un look de despote foldingue. Une épaisse tignasse blonde et bouclée couvre sa tête et s’agite comme une mer démontée à chacun de ses hochements intempestifs. Philippe Djian la rejoint sur scène, la démarche gauche ne sachant pas trop comment placer son corps dans cet espace qui aimante les regards. Il porte une tenue décontract’, un jean clair, des bottes en cuir marron, une chemise en coton pâle.

2013/05/22

Balade nocturne en Vélib (Scène de vie 13)




J’ai froid au départ. Mais c’est normal. Très vite, le corps chauffe avec les coups de pédale. La nuit tombe. Au bout de la rue, les tours de la Défense font penser aux éléments d’une station lunaire. Restaus et bars alternent, occupés par une clientèle jeune et huppée. Je prends la direction du bois de Boulogne. 

2013/05/14

Paris est magique! (Scène de vie 12)



L’idée était pourrie. Donner rendez-vous au Trocadéro aux supporters du PSG pour fêter le titre de champion de France ne pouvait que partir en sucette. D’ailleurs, les patrons de bar de l’endroit l’avaient pressenti, baissant les rideaux de fer de leurs établissements.

2013/05/11

La femme du coin (Scène de vie 11)


Elle s’est installée dans un coin, contre la vitre de la façade. À la façon mécanique dont elle s’est dirigée vers la table, on devine que c’est sa place. Elle aurait pu y aller les yeux fermés. Et elle aurait certainement tiqué si une personne s’y était trouvée, sans gêne provocatrice. 

Mécaniquement, le vieux garçon ventripotent s’approche d’elle. Il a le visage rouge et blasé. Sa tenue négligée comporte des taches. Quand les clients se font rares, il se poste devant le comptoir et regarde le match de foot sur l’un des grands écrans quadrillant la salle. 

À cause du temps maussade, la terrasse est en grande partie vide. Trois magrébins discutent, emmitouflés dans leurs volumineux anoraks. Une femme d’âge mûr et excitée fait des va et vient entre la table et le coin tabac, achetant des gratte-grattes. Un SDF barbu tend un récipient en plastique aux passants pressés et indifférents.

À cause du temps maussade, les clients sont pingres. Ils renâclent à donner un pourboire et quand ils le font, le pourboire est minable. Quelques pièces jaunes aux reflets pâles. Le vieux garçon fait la tronche à cause de ça. Et également à cause de la journée qui s’étire en longueur, qui refuse de finir, qui s’obstine dans le surplace. Il est à peine quinze heures. Un vent rageur balaie la terrasse contraignant les magrébins à plier l’échine. Les nuages de fumée qu’ils expulsent par leurs bouches se déchirent et rendent l’âme.

Au bout de l’avenue, une nuée de véhicules irascibles s’entassent en attendant l’assentiment lumineux d’un feu de signalisation. Des édifices en verre déserts aux logos absurdes se disputent avec les arbres qui reverdissent les regards sans buts. Le gris pesant du ciel, du trottoir et des murs enfle dans les têtes tandis que le froid tenace peaufine ses morsures. Le SDF obtient une cigarette.