2020/05/29

2020/05/28

Un choix vite fait (Hollywood cauchemars 7)


 

Début

Je repérai tout de suite mon vieux bonhomme à qui le voiturier remettait les clés d’une Maserati Gran turismo rutilante.

Comme l’avaient décrit Harry et Betty, il était grand, voûté et sans cheveux. Paradoxalement, il émanait de lui une force étonnante. Comme si les griffes du temps avaient glissé sur lui au lieu de lacérer sa chair et son âme. Cela m’intrigua. Malgré son apparence, ce type n’avait rien d’un vieillard. Quelque chose clochait mais j’ignorais quoi.

Il ne parut pas surpris de me voir.

- Tiens, je ne t’attendais plus, se contenta-t-il de lâcher.

Quel culot ! J’étais à la limite de rebrousser chemin quand je remarquai Ralph devant les portes du restaurant.

Ce con n’abandonnerait jamais (mais c’est le propre des cons de se cramponner à leur idée comme les morpions à un poil pubien) !

Le temps de cette observation, l’autre était déjà au volant de sa voiture de sport.

- Tu viens ?

J’étais estomaquée. Comment diable un type de son âge pouvait-il être aussi vif ?

Mon cerveau évalua très rapidement la situation. D’un côté, ce vioc sûr de lui et fringant, de l’autre Ralph qui, statique, m’épiait comme un flic suspicieux.

Je me baissai vers le conducteur :

- Et qu’est-ce qui vous fait croire que je vais monter dans votre engin ?

Un sourire malicieux encadré de deux fossettes embellit son faciès.

- Je suis Brad Pitt, fit-il en baissant sa monture.

Et là, je vis ses yeux. Ou plutôt à travers ses yeux. Ses débuts prometteurs dans Thelma et Louise. Sa confirmation dans Seven. Puis la consécration dans Fight Club aux côtés d’Edward Norton. Sans doute le rôle de sa vie quoi que The Tree of Life de Terrence Mallick lui offrit la possibilité d’exprimer une autre facette de son talent. Et ne parlons pas d’Inglorious Bastards film dans lequel l’acteur atteint des sommets d’humour et de virtuosité. Oui, je perçus tout cela et je sus que l’homme ne me mentait pas. Il était bel et bien Brad Pitt.

- Mais pourquoi vous déguiser ? remarquai-je en m’installant à côté de lui (la tête de Ralph lorsque je refermai la porte de la caisse, un monument d’humiliation, de lassitude et de dépit).

Nouveau sourire enjôleur.

- Parce que je suis Brad Pitt. Les acteurs qui ont autant de notoriété que moi sont obligés d’embaucher des gardes du corps sinon. Leonardo Di Caprio, par exemple, il dépense des fortunes pour sa protection rapprochée. Depuis que j’use de ce stratagème, je n’ai plus ce souci. Je suis libre comme l’air.

Mouais, ça se comprenait.

Puis il ajouta quand le feu passa au vert :

- Il parait que Leonardo en possède une aussi grosse que la mienne, mais qu’elle a souvent des ratés.

Sa voix devint rude.

- Je vais te défoncer comme tu le mérites, chiennasse.

Suite


2020/05/27

Non, décidément non, lorsqu’ils font un film Eric et Ramzy ne se foutent pas de la gueule du monde !



J’étais à la machine à café lorsqu’une collègue avec une tête d’enterrement m’adressa la parole : « Tout de même, ils se foutent de la gueule du monde ».

« Qui ? » fis-je, interloqué.

« Eric et Ramzy » poursuivit-elle en triant sa monnaie dans la paume de sa main car la machine ne la rendait plus depuis plusieurs jours « Ils se foutent de la gueule du monde ».

Elle poussa ensuite un long soupir comme si prononcer cette phrase lui avait demandé énormément d’énergie. La machine à café trembla puis émit une plainte stridente. Je restais dubitatif, pantois et comateux (c’était lundi). Que voulait-elle dire par là ? Avait-elle rencontré Eric et Ramzy à Carrefour et ces derniers lui avaient-ils piqué sa place dans la file d’attente à la caisse en gloussant comme des otaries ? J’attendais plus d’explications.

Elles vinrent après que ma collègue eut laborieusement touillé son café puis ingurgité plusieurs gorgées de la boisson bouillante en aspirant et déglutissant bruyamment. Avec un pote, elle était allée voir leur dernier film, Seul Two. Il avait été si nul qu’elle avait hésité plusieurs fois à quitter la salle pendant la séance. Heureusement, son pote l’avait retenue car il se sentait incapable de finir la portion géante de pop corn salés qu’ils avaient achetés ensemble. Néanmoins, à la fin, elle avait quitté le cinéma écœurée. Plus pourri, tu mourrais !

A cause d’Eric et Ramzy et de leur film, elle passa tout son dimanche dans un état dépressif, sans manger, sans boire et sans faire pipi. D’ailleurs, elle se sentait encore mal en point aujourd’hui et se demandait si elle n’allait pas se mettre en arrêt une semaine ou deux. Un tel foutage de gueule était vraiment traumatisant. Après ces mots, elle me fixa, attendant que j’abonde dans son sens. J’en fus incapable. Je n’avais pas vu le dernier film d’Eric et Ramzy mais j’avais la certitude qu’ils ne s’étaient pas foutu de la gueule de ma collègue.

Commandant à mon tour un café (en oubliant comme un con que la machine ne rendait plus la monnaie, 60 centimes de bouffés !), je jaugeai mon interlocutrice afin de savoir si elle était en état d’entendre mon point de vue. Son teint était pâle, ses yeux cernés, je remarquai aussi un léger tremblement des mains et des genoux comme après une biture phénoménale. C’était du 50-50 comme disaient les footballeurs avant un match retour de coupe d’Europe pour ne pas se mouiller. Enfin plutôt du 25-75 en y regardant de plus près. Voire du 2-98 si vraiment je voulais être précis et honnête avec moi-même. Bah, après tout je n’en avais rien à foutre de cette collègue. Si encore elle m’avait offert le kawa. En plus, j’avais remarqué un léger rictus narquois sur son visage au moment où j’avais foutu mon euro dans la machine rapace. Elle devait morfler !

«A mon avis » fis-je en prenant un ton supérieur « Tu n’as rien compris à la démarche artistique d’Eric et Ramzy… ».

Elle eut un mouvement de recul, à la fois surprise et épouvantée. Avec désinvolture, je soufflai sur ma boisson fumante puis exposai ma théorie : Lorsqu’ils font un film, Eric et Ramzy ne le font pas dans le sens commun où on pourrait l’entendre. Ils se foutent complètement du scénario, de l’histoire. Ceux qui vont voir un film d’Eric et Ramzy pour l’histoire sont forcément déçus ou dégoûtés. On ne va pas voir un film d’Eric et Ramzy pour l’histoire. Eric et Ramzy ne visent pas l’histoire, ils visent le gag pur. Tels des alchimistes chevronnés, ils cherchent tout au long de leur film à façonner ce joyau d’humour éternel. Il peut apparaître à n’importe quel moment du long métrage. Il peut durer le temps d’un vol de mouche ou celui d’une chanson de Pierre Bachelet. Il peut exploser à la gueule ou délicatement ensorceler. Ca n’a pas d’importance, il est présent dans chaque film d’Eric et Ramzy. Rares sont les artistes a être parvenus à une telle prouesse (personnellement, aucun nom ne me vient en tête). Dans « la Tour Montparnasse Infernale », c’est Eric qui, caché derrière un pylône, saisit une barre de fer en fusion pour frapper un méchant. Dans « Steak » c’est le vertigineux dialogue entre Eric et Ramzy dans la voiture sur l’ancien et le nouvel humour.

Pour ces deux gags purs, ces films sont des chefs d’œuvre. L’inverse est d’ailleurs aussi vrai. Sans ces films, ces gags n’auraient pas eu autant d’éclats. Ils auraient été drôles mais sans plus. Alors qu’avec tous ces tâtonnements, ces essais, ces couches de blagues brutes superposées, ils sont tout simplement géniaux, un vrai régal pour les zygomatiques...

Après cette tirade, ma collègue fut traversée par une série de spasmes comme une électrocutée. De la voix du bourreau qui donne le coup de grâce à sa victime, j’ajoutai qu’il devait certainement y avoir un gag pur dans « Seul Two », voire deux vu le titre, peut-être, suite à mes explications, s’en souvenait-elle et pouvait-elle me les raconter ? Le silence qui suivit dura une éternité. La machine à café frémit puis émit d’étranges et brèves vocalises (ce machin là vivait !). Un collègue passa sans nous saluer. Les yeux de ma collègue grossirent, fixant ma petite personne puis son gobelet encore plein de café. Je souris. Elle montra les dents puis tourna brusquement les talons. Eh, éh, encore une personne que j’avais convaincu. Je ne lui donnais pas une semaine pour mater toute la filmographie d’Eric et Ramzy et une autre supplémentaire pour me remercier.

2020/05/21

Lettre manquante 2 (mots des autres 67)


Lu sur la vitrine d’un salon de coiffure : lissage brésilien, lissage japonais, extension cheveu, défrisage, relooking, maquillage, chignon, anucure.