2019/11/27

Essais ratés (Crise internationale 5)









Au beau milieu de Rak city, capitale de Turkménistan du nord, s’érige un palais monumental visible de tous les endroits de la ville bien qu’un proverbe Turkménistanais prétend le contraire : « Où que tu sois à Rak city et quoi que tu y fasses, l’œil du palais ne te quitte pas ». 


Constitué de hauts murs, de colonnes sculptées et de toits pointus, il abrite en son sein le grand leader du pays, président du peuple au travail, commandant en chef des forces militaires et ordonnateur suprême des affaires nationales qu’elles soient publiques ou privées, Kon Je Nou, quatrième du nom, fils de Kon Tu Nou, empereur des siens, saint Père de l’industrie et du bâtiment, général émérite des armées, guide éternel de la nation.


C’était un homme gras d’une quarantaine d’années au visage poupon avec de petits yeux cruels qui écorchaient vivement ses interlocuteurs tout en les strangulant. Rares étaient ceux qui soutenaient son regard. Et encore moins en liberté ! Car cet acte considéré comme une offense conduisait immanquablement en prison. 


Mieux valait regarder ses pieds quand on s’adressait au grand manitou. Il était même recommandé de pencher la tête en avant, de courber l’échine et de respirer le moins possible afin de ne pas flétrir l’air ambiant et par conséquent d’irriter les narines présidentielles.


Tête basse, dos plié et économe de ses respirations, le général Vou Som Them attendait que Kon Je Nou lui adresse la parole depuis maintenant une bonne quinzaine de minutes.


Alors qu’il était entré dans la vaste pièce au sol et aux murs de marbre pour lui faire son rapport au sujet des derniers essais de missiles, il avait trouvé le chef d’État en pleine séance de réflexion. 


Du moins, ainsi appelait-on ce temps qu’il consacrait à jouer à des jeux vidéo de combats ou de courses automobiles, une manette à la main, affalé dans un canapé en cuir doublé de buffle pouvant accueillir une famille de rhinocéros.


En l’occurrence, Kon Je Nou pilotait une Lamborghini dont les accélérations tonitruantes répercutées par des enceintes dernier cri suppliciaient les tympans de tout individu normalement constitué.


S’efforçant d’ignorer les vrombissements perforateurs, le militaire haut gradé jeta discrètement un coup d’œil sur l’écran qui s’étalait sur tout un pan de mur de la pièce.


La voiture du président n’était qu’en quatrième position et allait se faire doubler par une Porsche particulièrement accrocheuse. Cela ne présageait rien de bon pour la suite. Kon Je Nou détestait perdre et devenait particulièrement odieux avec ses subalternes lorsque c’était le cas.


La Lamborghini rata un virage et se planta dans le décor.


Le général déglutit tandis que les bourrelets de graisse sur les bras nus du joueur aux tempes rasées cessèrent leurs hypnotiques ondulations.


- Quelque chose à me dire, général Vou Som Them ? siffla ce dernier tel un cobra sur le point de mordre.

 

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