2019/06/20

Pourquoi écrire si j’en chie ? (journal d'un écrivain 2)



Comme je l’expliquais dans la partie précédente (la course aux mots), j’ai beaucoup de mal à écrire. Chez moi, cette activité engendre plus de frustration que de plaisir (du moins, à première vue). Si, par exemple, je ne parviens pas à écrire ce que j’ai en tête, mon humeur s’en trouve altérée. Pour peu que je m’y astreigne en début de matinée, c’est toute ma journée que je mets en péril, la perception que je vais en avoir. Une mauvaise séance d’écriture et je vois tout en noir. Il me faut un certain temps pour remonter la pente, retrouver l’équilibre. Me libérer de ce sentiment merdique. Lors de ces moments, j’évite en général d’emprunter des trajets avec des ponts.

Plus sérieusement, je lutte, courbaturé par mes cogitations stériles, mes égarements syntaxiques et mes radotages lexicaux. Mon corps pâtit de mes réflexions intenses. Je prends des positions inconfortables à l’image de mes pensées qui effectuent d’extravagantes sinusoïdes. Je me tords, me crispe, retiens ma respiration, me cogne les tempes. Je suis sur un ring vide délimité par des cordes ballantes et je m’affronte – mode fight club. Combat qui très souvent m’épuise.

Beaucoup croient que parce qu’on est le cul sur une chaise écrire équivaut à un moment de détente. Pour un laborieux comme moi, non. J’en chie et consomme une formidable énergie pour noircir des pages. Ne serait-ce que pour me concentrer. M’immerger à nouveau dans le monde que j’ai créé.

Dernièrement, j’étais dans la peau de Stacy, l’héroïne négative de mon dernier roman « Hollywood cauchemars ». Elle était blonde, bimbo jusqu’au bout des ongles et vivait à Los Angeles. Chaque jour, je devais m’abstraire de moi-même et de ce qui m’entourait pour la rejoindre dans ses soirées people dans des villas hors de prix. Un effort colossal d’imagination pour le petit employé de bureau que je suis.

Et puis il y a les mots… Les mots qui se dérobent dès qu’on souhaite les écrire, animaux craintifs qui détalent devant les flux bouillonnant de ma matière grise (comme c’est le cas-là maintenant, si, si).

Et les phrases qu’on assemble tant bien que mal. Qu’on bricole sans mode d’emploi. Qui s’effondrent neuf fois sur dix (probabilité volontairement gonflée pour l’effet dramatique) mettant à l’épreuve nos nerfs déjà fortement éprouvés. Oui, tout cela est éreintant. Terriblement usant.

Le retour au réel se fait souvent par paliers comme les plongeurs en bouteilles. On a toujours l’impression d’avoir laissé un peu de sa peau dans l’entreprise.
Cependant, ne rien faire serait pire pour moi et je ne peux pas m’en empêcher. Créer des mondes m’apaise. Et le « prix » à payer pour leur matérialisation m’apparait bien minime.

C’est tout pour aujourd’hui.

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