2019/04/18

2. La tentative d’abstinence (2/11)



Pour elle, le sexe était devenu une corvée. La faute à la libido exacerbée de Guy. Depuis qu’ils étaient ensemble (trente et un ans maintenant !), ils avaient fait l’amour pratiquement tous les jours. Si ça n’avait tenu qu’à elle, une fois tous les trois mois aurait suffi. Hélas, pas pour son mari qui lui avait fait comprendre qu’il ne survivrait pas à ce régime. « Ce serait comme une castration » lui avait-il expliqué avec un air de chien opéré justement.

Cependant, une fois, pour faire plaisir à sa femme, il avait accepté de se retenir. Cela avait duré en tout et pour tout soixante-neuf heures. Si au départ, il avait fait preuve d’enthousiasme, très vite son humeur avait changée. Dès le deuxième jour d’abstinence, Guy s’était montré bougon puis franchement désagréable avec Catherine. Tout était prétexte à l’admonester. Son rangement confus, ses choix de programmes TV, ses manières trop « délicates ». Bientôt, l’atmosphère dans la maison était devenue intenable. Exaspérée par les remarques répétées et désobligeantes de son mari, Catherine avait failli à plusieurs reprises l’envoyer paître. Notamment lui dire de se masturber si cette parenthèse sexuelle le rendait malade. Cependant, elle savait à l’avance que c’était un coup dans l’eau puisqu’elle l’avait entendu se palucher dans les toilettes dès les cinq premières heures du premier jour vertueux. Aussi avait-elle gardé pour elle ses piques et avait-elle rendu les armes à approximativement vingt et une heures, au moment des résultats du loto (à son grand désarroi, elle n’avait obtenu aucun numéro gagnant, c’était décidément un jour de mauvais tirage). Elle avait préféré avoir la paix plutôt que de batailler sans relâche
Après l’acte, Guy avait regagné le sourire. Néanmoins, il avait avoué avec émotion à sa femme que ces trois jours loin de son antre avaient été une torture pour lui. Il s’était senti comme un moine et avait vu son pénis se flétrir à cause de cette diète forcée
« Tu te rends compte, j’ai perdu cinq millimètres de vigueur » avait-il dit en se tripotant le bout. « Que se serait-il passé si on avait prolongé le calvaire ? Popaul se serait certainement ratatiné. Tu sais, comme lorsqu’il est plongé dans l’eau froide. Un machin informe, ridicule, comme une excroissance de chair. Et je suis certain que ça aurait été irréversible au bout d’un moment. Je n’aurais plus jamais réussi à faire preuve de virilité. La pire déchéance qui soit à mes yeux ». Et d’un regard de martyre, il avait laissé entendre à Catherine l’issue funeste qui s’ensuivrait.

(À suivre)

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