Jour de grève.
Sur le quai, les gens ont des mines perplexes, comme si les rails
allaient se dissoudre sous leurs yeux. Un RER se nommant WWXPZ est à quai. Il
n’a aucune destination. Pourtant, les gens pénètrent dedans avec assurance. Je
m’approche d’une femme à l’intérieur d’un wagon et lui demande si elle sait où
va ce RER avec ce nom de plaque d’immatriculation à dormir debout. Elle me
répond sans hésiter Paris puis me demande à son tour si je ne suis pas monsieur
Pillet. J’ai un mouvement de recul tandis que ses yeux se plantent dans ma
personne comme si j’étais un steak-frites à point. Ça y est, j’ai compris, ce
transport est un convoi de doux-dingues ! Cette femme voit des messieurs
Pillet partout, cette autre lit le Vingt Minutes à l’envers... À cet instant,
le signal sonore de fermeture des portes retentit. Malgré mes appréhensions, je
bondis à l’intérieur du wagon !
À ma gauche, une femme joue au Sudoku. Je ne sais
pas pourquoi mais j’ai toujours trouvé ce jeu déprimant. D’ailleurs toutes les
personnes qui y jouent ont l’air déprimées pour ne pas dire suicidaires. Vois
un homme jouer au Sudoku et tu peux être sûr qu’il n’en a plus pour beaucoup de
temps à vivre. Là, bien sûr, maintenant, je pourrais parler à cette femme qui
joue au Sudoku, essayer de lui remonter le moral, lui dire que la vie est belle,
tout ça, tout ça... mais bon, franchement, par ce petit matin pénible et
pourrave, j’ai la flemme.
À Denfert-Rochereau, une femme d’une cinquantaine
d’années se met à quatre pattes pour passer sous les tourniquets (je ne
connaissais pas du tout cette technique. Cela se trouve, certains sont même
allés jusqu’à creuser un tunnel). L’obstacle péniblement passé, elle se
redresse. À cet instant, un grand noir la recouvre de son ombre massive et
après lui avoir présenté sa carte de contrôleur lui demande son ticket de
transport. La vie, c’est comme ça. Des fois tu gagnes, souvent tu perds (à
moins que tu aies dans ta famille quelqu’un qui travaille à la Ratp ou à la SNCF).
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