2012/12/15

Avoir un clebs (Extrait 9)



A cause du type chelou et mal fringué, je me suis imaginé avec un clebs. Un mastoc et nerveux. Qui produirait beaucoup de bave. Avec des oreilles pointues. Comme ses dents. Poil ras, cœur de fer. Je l’appellerais Tony comme Tony Montana de Scarface. 
Je le sortirais chaque jour plus qu’il ne faut. Qu’il pleuve, vente ou neige. Cinq ou six fois. Voire plus si d’autres maîtres venaient à trainer dans ma zone. Pas question de me laisser envahir ! Pas question de céder un pouce de mon territoire ! Une bonne femme s’amène avec son yorkshire, Tony le bouffe avec sa laisse ! Un grand sec promène son berger allemand, Tony lui arrache les couilles et les dépose à mes pieds comme si c’était sa baballe. Et si le mec revient avec un autre clebs, Tony leur arrache les couilles aux deux ! Je serais admiratif de mon clebs autant que lui le serait de moi. Un vrai couple. Craint et redouté. Tous ceux de l’immeuble nous connaîtraient. Ils n’oseraient plus posséder un clebs, se contentant d’un lapin, d’un hamster ou d’un poisson rouge. Ils attendraient avec rage et impatience qu’un jour Tony se fasse massacrer par le chien d’un nouveau venu. Mais ce serait un mauvais calcul puisque le nouveau venu deviendrait forcément le caïd de l’endroit. De toute façon, ce jour tant espéré n’arriverait pas. Jamais.
Le parking de l’immeuble serait notre territoire. On y tournerait inlassablement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. De temps en temps, Tony pisserait sur les caisses histoire de rappeler aux autres qu’on en était propriétaires. Une personne voulant utiliser l’une d’elles devrait me demander l’autorisation. La versatilité allant de paire avec le pouvoir, je ne donnerais pas toujours mon accord. Je me tâterais. Réfléchirais. Des tas de gens attendraient des semaines avant de pouvoir utiliser un véhicule. Certains en deviendraient dingues, sortant déguisés en lapins, en hamsters ou en poissons rouges. Dans ces cas là, je me montrerais impitoyable, ordonnant à Tony de les trucider. Les fous sont pires que les ennemis pour les monarques.

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