Le truc qui rassure tout de suite, c’est
d’être à côté d’un centre commercial. Vraiment, lorsqu’on vit à côté d’un tel
édifice, on se retire facile la moitié des angoisses.
Pourtant, c’est agencé
comme un cimetière. Des allées, et tout du long, des petites boutiques en guise
de tombes. A la place des noms avec les dates de naissance et de mort, des
marques avec des prix qui montent plus ou moins. Si on y regarde bien y’a pas
beaucoup de différences. A part les vendeurs. C’est peut-être à cause d’eux
qu’on ne fait pas le rapprochement. En vendant, ils donnent l’illusion de la
vie. Et pour beaucoup, ça suffit. Ils s’en contentent bien. Ca les réconforte.
Bref, si quelqu’un me demande où je crèche, je ne lui donne pas mon adresse, je
lui réponds : « Près d’un centre commercial ». Illico,
l’interlocuteur se détend : « Quelle chance ! » et il
demande : « Ah oui, et lequel ? ». S’ensuit une
énumération des centres commerciaux célèbres, Vélizy 2, les Quatre temps et je
ne sais pas quoi d’autres… Je reste évasif puis me lance dans la description de
mon centre commercial. Comme il est vraiment pourri en réalité, j’invente des
allées, des portes automatiques, des ascenseurs et des escalators, des
boutiques de marques et des restaus, des vigiles aussi (important les vigiles,
plus un centre commercial contient de vigiles plus il est coté). Je fous le
paquet, histoire que le type en prenne plein la vue et s’imagine que son centre
commercial n’arrive même pas à la cheville du mien. Ajoutant de l’Ikéa et du
Leclerc en veux-tu en voilà, je fais en sorte que le type soit si épaté qu’il
en aimerait crécher vers chez moi. C’est mon petit plaisir. Petit plaisir que
je n’ai pas du tout l’occasion de goûter vu que personne me demande où je
crèche. Les gens sont vraiment pas curieux, je vous jure. Mais ce n’est pas
grave. Je ne m’en formalise pas. Qu’ils continuent d’errer bien contents et
satisfaits dans leur tout mignon centre commercial. Le mien me comble. Il n’a
qu’une seule allée et ses commerces sont tous plus moches les uns que les
autres, un magasin de fripes, un bar de poivrots (avec les heures des grandes
capitales du monde), une librairie de merde (avec un vigile, éh ouais !),
une poste naze, une boutique d’on ne sait quoi (tentative de mélange fripes,
meubles et viande), une banque naine et
un Intermarché ringard, mais il a du caractère. Un côté déglingué qui me
branche. Comme si une succession d’émeutes l’avait rendu comme ça.
Quand je sors de chez moi, c’est là que je
vais le plus souvent. Je m’y ravitaille et j’y élimine certaines de mes
angoisses, parfois en allant boire une bière au bar à poivrots (tiens, il est
14h30 à Sao Paulo), parfois en achetant un gratte-gratte (le million, le
million, le million) dans la librairie de merde, parfois en donnant des lettres
à la guichetière de la poste, parfois en retirant au distributeur automatique
vingt ou trente euros (que je garde et que j’oublie dans les poches de mon
pantalon). Et puis aussi je me remets du baume au cœur. Car à l’Intermarché,
y’a une nouvelle caissière. Et elle est belle comme un soleil.
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