Cette matinée, par le soleil, est à nouveau
fabuleuse. Et je vais à mon boulot pourri comme un con. La seule chose qui me
soulage un peu est de savoir que je ne suis pas le seul.
Au fond du wagon, deux amoureux dorment tête contre
tête. Mais cela se trouve, ils ne sont pas amoureux et ne se connaissent même
pas. S’ils se réveillent à la même station, ils vont se foutre une de ces peurs
(d’autant que le mec a un physique plutôt ingrat).
En face de moi, une femme costaude est plongée dans
une lecture saine et revigorante :
Détective. Titre et sous titre de l’article : Assassiné par leur
mère ; cinq cadavres d’enfants dans la maison du désespoir... Avant que je
ne m’immole d’un pêt nauséabond, interne et dévastateur, je jette un coup d’œil
désespéré sur le journal que lit mon voisin de droite et que vois-je ? La
photo d’un poulet cuit cerné de patates à la vapeur. Ok, j’ai compris, pas la peine
de tenter de faire un gratte-gratte aujourd’hui.
Au niveau d’Anthony, Christian, 57 ans, la voix
enrouée par des années de galère et forte comme dix taureaux propose aux
passagers des Itinérants et des grilles de Sudoku à compléter (qu’il prononce
« cul » comme une promesse de pornographie). Je fouille dans ma
poche. Zeube, pas de pièce. Il ne me reste plus qu’à faire comme la majeure
partie des gens dans le wagon. Fixer mes pieds.
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