2019/04/17

1. Le surnom pesant (1/11)




Alors qu’elle introduisait le linge sale dans le tambour de la machine à laver, Catherine sentit sa présence derrière elle. On était en plein milieu de l’après-midi. Le soleil cognait comme un bulldozer. Même dans la buanderie la chaleur était infernale.
« Biquette » murmura Guy en emboitant sa bedaine et son sexe dur dans le creux de ses reins et l’arrondi de ses fesses.
Elle se raidit. Depuis combien de temps lui donnait-il ce surnom imbécile ? Bien vingt-cinq ans et malgré sa désapprobation, Guy avait continué à l’appeler ainsi. Pourtant, son mari n’avait pas d’ancêtre paysan et n’avait jamais côtoyé d’animal de ce style. « Biquette ». Quel chemin tortueux avait emprunté son esprit pour en arriver à ce mot qu’il croyait plein d’affection ?
C’était aussi le mot qui annonçait qu’il avait envie de baiser. Lorsqu’il le prononçait, elle savait à quoi s’attendre. Monsieur ressentait le besoin urgent de se vider les burnes. Sans conviction, elle administra une claque aux mains velues qui pressaient sa taille.
« Guy » protesta-t-elle mollement. « Je suis en train de m’occuper du linge ».
« Justement » rétorqua l’homme d’une voix ronronnante. « Ça va te détendre ».
« On l’a déjà fait une fois ce matin au lit » négocia-t-elle en tâchant de cacher son irritation.
« Quand on aime, on ne compte pas » dit-il en glissant ses mains sous sa blouse bleu pâle.
Sauf que contrairement à son mari, Catherine comptait et n’en pouvait plus.
(À suivre)

2019/04/15

La course aux mots



Je viens de finir une nouvelle érotique. Après avoir terminé un texte pour enfant, j’avais envie d’écrire un texte moins exigeant, un truc pour me faire plaisir. Finalement, la rédaction de cette nouvelle entre guillemets a été laborieuse, un peu comme d’hab’. Plus je vieillis plus j’éprouve des difficultés pour écrire. J’ai du mal à me concentrer et je cherche de plus en plus mes mots. Là où d’autres alignent les phrases en se frisant les moustaches, moi je rame pour en écrire une seule, galérien du stylo que j’utilise de moins en moins. Attention, je ne sous-entends pas par-là que les écrivains au clavier trépidant (j’ai hésité avec : à la plume intrépide) produisent des œuvres de moindre qualité que les miennes, je dis juste que j’ai compris que je n’appartenais pas à cette espèce formidable (la plupart des écrivains dont j’aime les textes sont des graphomanes, j’en parlerai plus tard). Aussi, lorsque je travaille, je ne me fixe pas de nombre de mots à écrire, ce genre d’objectif me flingue. Si je me dis bon là, coco, tu es parti pour 500 mots (un objectif équivalent au remplissage d’une carte postale pour les prolifiques), je sais que je ne vais pas y arriver, au bout de deux phrases, je perds mon courage, je me liquéfie, me traite de minable et à la fin, échouant dans mon entreprise, ai le sentiment d’avoir fait de la merde (ce qui n’a aucun rapport, je sais, mais c’est comme ça). Voilà sans doute pourquoi je n’éprouve aucune satisfaction au nombre de mots ou de pages que j’ai réussi à écrire au bout d’un certain temps plutôt long en général. Une part de moi sait que cette comptabilité m’empoisonne et joue sur mes humeurs. Si, pour avancer, certains ont besoin de s’astreindre à écrire au quotidien une certaine quantité de mots, je sais qu’avec moi cette méthode ne fonctionne pas. Pas la peine de me torturer donc. J’en chie déjà bien assez comme ça.
C’est tout pour aujourd’hui.

2019/04/12

bus 514 (transport 5 et 6/15)



9. La proposition (qui vaut ce qu’elle vaut) (9/9)





Alors il hurla :
- Un contrat !
Elle s’immobilisa :
- Comment ?
- Si on rédigeait un contrat sur lequel je n’aurais pas le droit de toucher un stylo ou d’utiliser un traitement texte pendant notre relation ?  
Elle posa un doigt sur sa bouche, évaluant la proposition :
- Tu pourrais quand même me harceler après…
- Un article me l’interdirait ! répondit-il du tac-au-tac.
- Comment ferais-tu pour les papiers administratifs ?
- Tu t’en occuperais…
- C’est chiant ! dit-elle, cassante.
- Je sous-traiterai ! s’écria-t-il en donnant un coup poing sur son torse. Il doit bien exister des sociétés qui assurent ce genre de service en ce bas monde !
Elle parut un instant contrariée, de fines rides apparaissant sur son front. Puis un sourire lumineux chassa la moue perplexe sur son joli minois :
- Je pense.
Il fit quelques pas vers elle.
Elle en fit autant.
Quand ils furent à portée l’un de l’autre, ils s’étreignirent très fort.
- Je m’appelle Linda, dit-elle.
Il l’embrassa.
- Moi c’est Christophe.
- Je sais.
Leurs yeux pétillaient.
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda-t-il.
- Si on allait à une terrasse… Pour établir les clauses…
Il se frappa le front :
- Oui, oui, of course !

FIN