L’homme avait le visage ridé et de folles mèches
blanches. Il portait un manteau fripé et un foulard mauve. Sous son bras droit
était coincée une vieille sacoche en cuir.
Il jeta un coup d’œil sur la terrasse et
constatant qu’il y avait encore des places libres, lança un regard
interrogateur à l’individu.
Nullement déstabilisé, ce dernier s’assit
quand même sur une chaise :
- C’est la première fois que vous venez ici,
n’est-ce pas ? siffla-t-il en se penchant sur lui avec un air chafouin.
Il acquiesça bêtement, se demandant où
l’autre voulait en venir.
- Isabelle ! hurla tout à coup l’homme à
la serveuse qui débarrassait une table. Un autre !
Puis, s’humectant les lèvres, il se pencha à
nouveau vers lui.
- Allons, ne faites pas l’étonné ! Je
sais très bien pourquoi vous êtes ici. Depuis tout à l’heure vous ne quittez
pas des yeux la maison d’édition. On ne me la fait pas à moi !
- Et alors ?
- Vous avez écrit quoi ? poursuivit
l’autre sans tenir compte de sa réponse. Un roman ? Un essai ? Un
recueil de nouvelles ?... Je vous préviens tout de suite, si c’est un
recueil de nouvelles, vous perdez votre temps… Où est d’ailleurs votre
manuscrit ?... Je ne le vois pas.
Il haussa les épaules.
- Je n’en ai pas.
Les yeux du farfelu se révulsèrent :
- Ou la la ! Ne me dites pas que tout
est dans votre tête parce que là, aucun doute, ils vous enverront paître !