Les jours suivants lui parurent horribles. Il
s’en voulait de l’avoir laissé partir. Il se traitait de lâche dès qu’il voyait
son reflet dans une glace ou une vitrine. Il aurait dû la retenir avec un
baiser, une étreinte, une explosion de colère, un écoulement de larmes, un
hurlement triste. Ou du moins essayer. Pourquoi n’avait-il rien fait ?
Pourquoi était-il resté prostré sur sa chaise comme une statue débile ?
Plus ces pensées revenaient dans sa tête plus il broyait du noir. Au boulot,
pour un oui ou pour un non, il envoyait paître ses collègues. Il écoutait d’une
oreille distraite les clients et leurs donnait de mauvais conseils. Dès la fin
de l’heure, il se précipitait chez lui et s’enfermait dans sa chambre plongée
dans les ténèbres. Là, il restait allongé sur le lit à ressasser son échec. Le
téléphone pouvait sonner, il ne décrochait pas. La faim se manifester, il ne se
nourrissait pas. Le sommeil le gagner, il ne fermait pas les yeux. Au bout de
trois jours de ce régime, il alla voir son médecin traitant qui lui prescrit un
arrêt d’une semaine. Il ne savait pas si ce laps de temps suffirait mais
c’était toujours ça. Il aviserait dans le cas contraire. Et puis peut-être
qu’en passant à l’action, son mal diminuerait. Même s’il n’obtenait aucun
résultat.
Sur internet, il chercha combien de maisons
d’édition se trouvaient près du parc. Il y en avait une dizaine. Il élimina les
petites maisons d’édition. Il n’en restait plus que cinq. Puis il sélectionna
celle qui se trouvait proche de l’endroit où ils s’étaient rencontrés. Les
éditions Colimaçon. Très bien, demain il irait là-bas et il verrait bien si
elle y travaille. Guilleret, il sautilla en direction du frigo. L’appareil
contenait un pot de crème fraîche périmé et deux tranches de jambon si vieilles
qu’elles auraient pu servir de patin. Il jeta le tout et commanda trois pizzas
et une grande bouteille de coca au Papa Tony du coin. Il tira ensuite les
rideaux et ouvrit les fenêtres. L’air frai du dehors s’engouffra dans
l’appartement, chassant les résidus de cafard.
Il se réveilla en début d’après-midi,
fringant. Tout en haut de l’azur dégagé, un soleil triomphant flamboyait. Il
s’étira dans un carré de lumière puis se prépara un café. Il était si
euphorique qu’il crut à un moment que le journaliste de la radio s’adressait
directement à lui : « Ouais, coco, c’est ton jour. Pas de
lézard ». Mais en fait l’autre parlait de la Cote d’Ivoire. Il éclata d’un
franc rire lorsqu’il le réalisa.
(À
suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire