Dans la nuit, Catherine se
réveilla brusquement. Les yeux encore embués de sommeil, elle examina son mari
qui dormait comme un homme ayant copulé deux fois la veille. Ouf, il était
toujours le même. Elle n’alla pas jusqu’à soulever le drap pour continuer son
examen. Non, pas la peine, maintenant qu’elle était certaine d’avoir rêvé. Elle
soupira encore un peu chamboulée.
Dans son rêve, Guy se
transformait en vieillissant. À soixante ans, deux bosses apparaissaient sur
son front. À soixante-dix, ses jambes se couvraient de poils. À quatre-vingts,
les cornes de sa tête atteignaient leur ultime développement tandis qu’un
masque de lubricité figeait définitivement ses traits. Parallèlement à cette
métamorphose son appétit sexuel augmentait. Catherine avait beau user des
stratagèmes de sa fille rien n’y faisait. Le satyre l’assaillait avec toujours
plus de fougue. Une fois par jour, deux fois, dix fois, cinquante fois ! À
la fin, il n’était plus qu’une érection ambulante ! Une insatiable bite
sur pieds !
Prenant mille précautions,
Catherine s’extirpa du lit. Le réveil sur la table de chevet indiquait une
heure et demie du matin. Vu son état d’agitation, elle savait que ce n’était
pas la peine d’essayer de se rendormir. D’autant que Guy venait de se mettre à
ronfler. À pas de chat, elle se dirigea vers la salle de séjour et alluma la
télé. Comme elle continuait de ruminer ses pensées, elle décida de repasser des
chemises.
C’était toujours comme ça
lorsque sa fille se comportait durement avec elle. Elle cauchemardait, se
réveillant en pleine nuit et cogitait à en attraper des maux de tête. Seules la
télé et une activité ménagère lui permettaient de redevenir sereine. En étalant
un vêtement sur la planche à repasser, elle se dit que si sa fille avait su les
conséquences de ses propos sans doute les aurait-elle tus. Dans le fond, Annabelle
voulait son bien et surtout elle n’avait pas tort. Si elle avait été capable de
dire non, elle n’en serait pas là. Mais voilà...
Tout en secouant la tête,
elle se fustigea. « Stop ! Ça suffit ! Change de disque, il est
rayé ! ». C’est alors que son regard tomba sur l’écran du téléviseur.
Simultanément, son pouce sur le bouton de la vapeur se releva tandis que sa
bouche s’arrondit.
L’apparition soudaine d’une
dinde déguisée en casserole aurait eu exactement le même effet sur elle.
Mécaniquement, Catherine posa le fer puis s’assit sur une chaise. Conservant
son air ahuri, elle se caressa doucement le menton.
« Et si c’était ça la
solution » murmura-t-elle, les yeux éclairés par les reflets du
documentaire sur la sexualité des gens.
(À
suivre)
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