2020/06/12

Balade crépusculaire (scène de vie 19)


C’est une longue rue piétonne qui part du centre de la ville et va jusqu’au port. Tout le temps bondée, les gens aiment la monter ou la descendre, l’arpenter en somme. Il y a des cafés, des restaus, quelques boutiques de fringues, deux-trois places offrant une respiration à l’artère étroite et biscornue. À son départ, des marginaux proposent des spectacles bancals. Plus loin, une grande fontaine gicle exaltant les cris des enfants et les bavardages des hommes. Ici, les sens en prennent pour leur grade. Ils ne savent pas où se fixer, n’arrivent pas à se reposer tant la vie tourbillonne. Qui regarder ? Qui entendre ? On ressent un doux vertige proche de l’ivresse au milieu de ce tumulte incessant. Et puis…

Et puis ils arrivent. Ils viennent de sortir de leur bâtiment et sont soudés l’un à l’autre. Tous deux sont d’une rare élégance. Lui porte un polo rose, un pantalon beige et des chaussures noires. Elle, une veste verte, une jupe noire et des souliers blancs. L’une de ses mains tient un petit sac ravissant. Tous deux sont remarquablement assortis comme s’ils avaient réfléchi à leur tenue ensemble. Quel âge ont-ils ? Soixante-dix, peut-être quatre-vingt ans. Il est légèrement dégarni, elle a teint ses cheveux en blond. Ils avancent dans la rue avec une lenteur qui détonne par rapport aux autres badauds. De par leur allure d’escargot en pleine digestion, on dirait presque qu’ils prennent un courant différent de ceux possibles. Qu’ils empruntent un chemin de traverse, connu d’eux seuls et indécelable. Ils marchent au milieu de la foule, dans cette rue passante et pourtant ils se trouvent ailleurs, sur une voie parallèle et déserte, annexée par le silence.

Après une dizaine de pas chiches, ils s’arrêtent. L’homme se décroche de sa femme et s’appuie sur un gros bloc de béton qui délimite la terrasse d’un café. Deux longues minutes passent. La femme ne montre aucun signe d’impatience. Elle attend que son homme regagne des forces. Son bras se déplie lorsque c’est bon. Il y a une espèce de flottement. L’homme hésite à s’arrimer à son épouse. Son visage parcheminé se chiffonne preuve d’une lutte intérieure. Finalement, il quitte son amarre et s’agrippe au bras offert. Ils repartent à nouveau soudés, un peu plus lentement semble-t-il qu’à la sortie de leur immeuble. Obnubilé par les buts qu’ils ont en tête, les gens les dépassent avec précipitation. Météores fous, comparés à eux, qui ignorent encore qu’ils vont bientôt s’écraser. D’ailleurs, ce vieux couple qui grignote les centimètres péniblement ne cherche-t-il pas à faire contrepoids à cette course vaine et générale ? Leur extrême lenteur en s’opposant à l’agitation ambiante ne vise-t-elle pas à sauver leurs semblables inconscients ? Comme si tous les deux tiraient une corde au bout de laquelle serait accroché le reste du monde pressé de mordre la poussière.

Nouvel arrêt. L’homme s’appuie contre un mur. La femme attend. Ils sont presque au bout de la rue. Un temps infini s’est écoulé depuis qu’ils ont mis le nez dehors. Toujours ce flux constant de piétons autour d’eux. La femme s’approche de son mari qui secoue la tête. Il se redresse et fait un pas en avant. Sa carcasse vacille légèrement. Puis un second. Son épouse l’accompagne, vigilante.

Ils disparaissent ainsi dans le jour finissant.

2020/06/11

Chaud bouillant (Hollywood cauchemars 9)



Début

 

C'est dur d’être sexy ! - Ryan Gosling / j’ai du respect pour la bière - Russel Crowe

 

Je soupire.

Les langues de Ryan et Russel, l’une en train d’œuvrer dans ma chatte, l’autre dans mon cul me font chavirer. Je tremble des genoux. Un feu intense, genre début de barbecue, frétille dans mon ventre. Je mouille à mort. Sensation exquise que les deux petites choses humides et remuantes me dégustent. Je suis une moule géante, une pâtisserie rare fourrée de plusieurs crèmes onctueuses.

Dans mon champ visuel troublé, le bordel sans nom de la caravane que les deux acteurs partagent (en effet, ils s’entendent si bien qu’ils ont décidé de loger ensemble pendant le tournage de The nice guys) : cadavres de bouteilles d’alcool, playmobils amassés à divers endroits en plusieurs partouzes improbables (c’est le nouveau délire de Ryan, acheter ces figurines et leur permettre d’avoir une sexualité épanouie. Ainsi des indiens baisent des pompiers qui baisent des pirates qui baisent des chevaliers etc...), fringues et pompes en vrac par terre, restes de bouffe à un stade avancé de décomposition, produits de beauté en tous genres – qui a eu la folle idée de façonner un masque d’argile sur l’un des deux écrans géants de la caravane ? – traces de poudre blanche et j’en passe...

Bordel sans nom qui ressemble au paradis tant je prends mon pied. Ces deux enfoirés sont des experts en léchage de chatte et de cul et savent se servir de leurs mains baladeuses.

Un doigt me pénètre à l’avant tandis que le nez de Russel renifle mon trou de balle.

Je saisis mes nichons en beuglant comme une vache.

Deux doigts, la langue goulue du barbu se remet au travail. Je pars en cascade. Mon corps ondule, je ne maîtrise plus ses mouvements, vrille totale !

C’est le moment que choisissent ces deux salauds pour s’arrêter.


Suite

2020/06/10

The square de Ruben Östlund



Film long, lent, très long et très lent. Tu fais des micro siestes en le regardant. Impression d’être un skipper sur la route du rhum mais dans un bateau pneumatique sans voile et sans rame (heureusement que dans la cale il y a du fromage et du jambon). Le côté satire sur l’art contemporain est facile. Mais c’est en soi un pléonasme. Se foutre de cet univers n’exige pas de se creuser beaucoup le ciboulot tellement il s’automoque de lui-même naturellement.

Cependant, car il y a un cependant, certaines scènes valent le détour qui ne traitent pas tout le temps de ce sujet. Comme je le disais pour les films avec Éric et Ramzy, selon moi, il suffit qu’un film contienne quelques « gags » très drôles pour valoir le coup. L’histoire, les personnages, leurs motivations passent au second plan dès lors qu’existent ces pierres précieuses humoristiques. Bref, le film entier qui se révèle n’être qu’un enrobage de ce trésor à l’instar du cake par rapport aux fruits confits (qui n’a jamais fouillé le gâteau avec ses doigts pour en extraire ces pépites diabétogènes me jette le premier moule à tarte).

Cette observation vaut pour ce très long et très lent métrage truffé néanmoins de scènes désopilantes. Je pense à la scène de l’interview d’un artiste (mister McNulty en personne !) constamment interrompue par un type atteint du syndrome de la Tourette. Je pense aussi à celle où le héros discute avec un de ses collègues pour savoir qui ira mettre les messages dans les boites aux lettres d’un HLM craignos (très tarantinesque). Ou également à celle de la journaliste cheloue qui souhaite avoir une explication entre quatre z’yeux avec le héros après avoir couché avec lui (drôle aussi la scène de sexe).

J’en oublie mais rien que pour ces trois petits bijoux d’humour, je valide le tout et je le recommande. Entrouvrir les yeux après un somme et goûter à un moment réussi de drôlerie est vraiment savoureux. Rien d’étonnant à ce que film ait obtenu la palme qui dort en 2017 (mouais, je ne sais pas si c’est une chance mais la honte est un sentiment qui m’est étranger).