2020/06/10

The square de Ruben Östlund



Film long, lent, très long et très lent. Tu fais des micro siestes en le regardant. Impression d’être un skipper sur la route du rhum mais dans un bateau pneumatique sans voile et sans rame (heureusement que dans la cale il y a du fromage et du jambon). Le côté satire sur l’art contemporain est facile. Mais c’est en soi un pléonasme. Se foutre de cet univers n’exige pas de se creuser beaucoup le ciboulot tellement il s’automoque de lui-même naturellement.

Cependant, car il y a un cependant, certaines scènes valent le détour qui ne traitent pas tout le temps de ce sujet. Comme je le disais pour les films avec Éric et Ramzy, selon moi, il suffit qu’un film contienne quelques « gags » très drôles pour valoir le coup. L’histoire, les personnages, leurs motivations passent au second plan dès lors qu’existent ces pierres précieuses humoristiques. Bref, le film entier qui se révèle n’être qu’un enrobage de ce trésor à l’instar du cake par rapport aux fruits confits (qui n’a jamais fouillé le gâteau avec ses doigts pour en extraire ces pépites diabétogènes me jette le premier moule à tarte).

Cette observation vaut pour ce très long et très lent métrage truffé néanmoins de scènes désopilantes. Je pense à la scène de l’interview d’un artiste (mister McNulty en personne !) constamment interrompue par un type atteint du syndrome de la Tourette. Je pense aussi à celle où le héros discute avec un de ses collègues pour savoir qui ira mettre les messages dans les boites aux lettres d’un HLM craignos (très tarantinesque). Ou également à celle de la journaliste cheloue qui souhaite avoir une explication entre quatre z’yeux avec le héros après avoir couché avec lui (drôle aussi la scène de sexe).

J’en oublie mais rien que pour ces trois petits bijoux d’humour, je valide le tout et je le recommande. Entrouvrir les yeux après un somme et goûter à un moment réussi de drôlerie est vraiment savoureux. Rien d’étonnant à ce que film ait obtenu la palme qui dort en 2017 (mouais, je ne sais pas si c’est une chance mais la honte est un sentiment qui m’est étranger).

2020/06/05

Injonction (mots des autres 69)


Une vieille dame à son chien court sur pattes qui laisse sa balle dévaler une pente :

- Qu’est-ce que tu attends ? Elle file !

Puis quand l’animal court enfin après.

- Ben oui !

2020/06/04

Pétage de plombs (Hollywood cauchemars 8)

Début

Nous nous arrêtâmes au premier hôtel sur notre route, le Majestic, un trois étoiles à la façade démodée. Dans l’ascenseur qui menait à notre chambre, Brad me mit un doigt et me lécha l’oreille.

- Tu mouilles pire qu’une fontaine. Ça promet.

Je souris. J’avais hâte qu’il me besogne et je fus surprise qu’il ne commence pas à le faire dans la cabine puis dans le couloir désert. Un peu à la manière de Tyler Durden. En conséquence, je pris les devants en pêchant dans sa braguette mais, d’une main ferme, il arrêta mon geste :

- Chaque chose en son temps.

Sans m’en proposer, il se servit une vodka dans le bar. Il la but cul sec puis en reprit une autre.

Assise sur le bord du lit, je le fixai, désorientée. Depuis que nous avions passé le pas de la porte, il n’était plus le même. Un infime changement s’était opéré en lui. Lequel ? Je n’aurais su le définir, mais je sentais que quelque chose le tracassait. Voire le rendait triste.

La troisième vodka qu’il avala m’en convainquit. Était-ce à cause de son couple qui partait en vrille ?

En ce moment, tous les magazines people en parlaient. Ça n’allait plus du tout entre lui et Angelina Jolie. D’après eux, la jolie brune lui reprochait ses frasques et voulait le quitter.

Après un quatrième verre (je me demandais également si elle n’en avait pas marre de son alcoolisme), l’homme commença à ôter son déguisement. Les lunettes d’abord puis la pellicule de latex sur son crâne et son front. Étrange striptease.

Nous n’avions pas pris la peine d’allumer la pièce comme si nous avions craint que l’éclairage du plafond nous pulvérise. De l’unique fenêtre passaient par intermittence les feux des voitures pareils aux rayons fureteurs de machines policières futuristes. Parfois, certains s’attardaient sur le visage marqué de Brad et ma gorge s’encombrait d’une boule volumineuse. Comme il avait l’air désemparé !

En silence, il s’approcha de moi, me renversa sur le dos puis écarta mes cuisses.

Il ne fit aucune remarque sur mon absence de culotte ni d’ailleurs sur mon rasage intégral, collant tendrement ses lèvres contre celles de mon vagin. Je plongeai ma main dans ses cheveux drus. Les siennes cherchèrent mes seins tandis que du bout de la langue, il me titillait le clitoris. Je me cambrai. Mon dieu !

Puis, tout à coup, plus rien. L’homme se figea, sidéré.

- Qu’y a-t-il ? m’inquiétai-je.

Pour toute réponse, le dos musclé de Brad tressauta puis j’entendis des reniflements saccadés. Eh merde, il chialait !

Dégoûtée, je l’interrogeai sur la raison de ses pleurs (j’hallucinais : qu’est-ce que c’était que ce Brad Pitt en carton-pâte ?).

- Angie, bredouilla-t-il. Elle ne veut plus de moi.

Et ses larmes entre mes cuisses, quelle horreur ! Franchement, je regrettais de m’être rasée !

Il marqua un arrêt comme s’il espérait un geste de réconfort de ma part (alors là, ma gueule, tu peux crever !).

D’une ondulation féline, je me séparai de lui.

Il ne parut pas le remarquer. Les yeux mouillés, il ajouta :

- Mais ce n’est pas tout...

La façon dont il avait prononcé ces mots coupa mon élan de fuite.

- C’est-à-dire ?

Laborieusement, il se redressa, retourna vers le bar et s’assit. Deux verres de vodka furent nécessaires à sa confession. Bien que je fusse maintenant habituée à la pénombre de la pièce, je ne distinguais pas bien son visage. Seules les lumières venues de l'extérieur me le dévoilaient de temps en temps. J’avais l’impression d’être dans un mauvais film, un polar à petit budget, la chambre d’hôtel ténébreuse, le gars au bout du rouleau, bourré, sur le point de me faire une révélation extraordinaire.

Machinalement, mes yeux scrutèrent les fenêtres obscures du bâtiment en face. Peut-être, derrière l’une d’elles, un tueur armé d’un fusil à lunette allait tirer d’un instant à l’autre...

- Je n’en peux plus d’être ce que je suis, dit-il avec difficulté. J’en ai marre, je voudrais être quelqu’un d’autre. 

- Pourtant tu es Brad Pitt, remarquai-je, choquée par sa réflexion.

Les feux d’une voiture éclairèrent son visage empli d’une soudaine fureur.

- Justement ! Tu ne mesures pas quel poids c’est de l’être ! Les sacrifices qu’il m’a fallu consentir... Le terrible pacte que j’ai dû conclure...

- Le pacte ?

Sans tenir compte de mon intervention, il poursuivit :

- Mais j’étais jeune et très ambitieux. Je me moquais de leurs exigences. Je me disais que ce n’était pas grand-chose, que ça valait le coup d’accepter, que rien ne valait le succès et la renommée et que je pouvais bien leur donner un peu de moi en échange. Pauvre crétin présomptueux que j’étais.

- Qu’est-ce que tu racontes ? Je ne comprends rien.

Cette fois-ci, il m’entendit et il éclata de rire. Un rire horrible et débridé, comme celui d’un aliéné. Une nouvelle lumière vint sur son visage et je crus voir le Joker en vrai avec ses yeux et son sourire de psychopathe. Merde, il était temps que je parte.

- Évidemment que tu ne piges rien, pauvre conne ! brailla-t-il en manquant de se péter la gueule. Tout est secret. Je ne dois rien révéler aux gens extérieurs ou ce sera la fin de tout pour moi. Et le pire c’est que, malgré ma mouise actuelle, je crains cette fin. Je devrais n’en avoir rien à foutre mais non j’ai peur ! Ils me tiennent par les couilles, ces cons, de la même manière qu’ils tiennent tous les autres : Ryan, Matt, Sharon, Jennifer... Depuis la moitié des années 70, c’est le prix à payer pour devenir célèbre. Ils ont eu cette idée vicelarde et tous ceux et celles qui étaient prêts à payer de leur personne pour voir leur nom en gros sur les affiches des blockbusters ont accepté. Oui, tous, sans exception ! Certains ont même poussé le bouchon plus loin pour être dans les petits papiers de ceux qui décident. J’en fais partie d’ailleurs. C’était l’époque où je n’avais aucune limite, où je me croyais exceptionnellement merveilleux.

Il se tut. D’autres lumières traversèrent la pièce, fixant certaines mimiques de son visage en train de se décomposer.

- Merveilleux, tu parles ! reprit-il plaquant ses deux mains dessus. Pute, je suis une pute ! Plus pute que la dernière des putes ! La reine des putes sur son trône de fumier ! Pute avec un grand P ! Une grosse puuuttteee ! Pute au carré ! Au cube ! À la puissance mille ! Pute illimitée ! (*)

Pendant son auto-flagellation, vit-il que je m’en allais ? Pas sûr.

Dehors, j’accélérai le pas. En effet, vu son état psychique, rien ne disait que Brad n’allait pas me suivre déguisé en je ne sais quoi. Aussi, après avoir sauté dans un taxi, j’appelai Ralph : pouvait-il m’héberger chez lui pour plusieurs nuits ? Ces derniers temps, je ne me sentais pas très bien. Sans doute le surmenage.

 

* La lumière sur les paroles énigmatiques de Brad Pitt est faite dans le roman de Jean Zoubar : Les mains du désir.


Suite

2020/06/03

Dialogues puissants (Mots des autres 68)


Vu dans Karaté Kid II sur l'Equipe ciné :

Le gentil : "Pourquoi tu cherches toujours la bagarre ?"

Le méchant : "Non c'est la bagarre qui te cherche".