2019/04/08
5. L’œil du tigre (5/9)
Les jours suivants lui parurent horribles. Il
s’en voulait de l’avoir laissé partir. Il se traitait de lâche dès qu’il voyait
son reflet dans une glace ou une vitrine. Il aurait dû la retenir avec un
baiser, une étreinte, une explosion de colère, un écoulement de larmes, un
hurlement triste. Ou du moins essayer. Pourquoi n’avait-il rien fait ?
Pourquoi était-il resté prostré sur sa chaise comme une statue débile ?
Plus ces pensées revenaient dans sa tête plus il broyait du noir. Au boulot,
pour un oui ou pour un non, il envoyait paître ses collègues. Il écoutait d’une
oreille distraite les clients et leurs donnait de mauvais conseils. Dès la fin
de l’heure, il se précipitait chez lui et s’enfermait dans sa chambre plongée
dans les ténèbres. Là, il restait allongé sur le lit à ressasser son échec. Le
téléphone pouvait sonner, il ne décrochait pas. La faim se manifester, il ne se
nourrissait pas. Le sommeil le gagner, il ne fermait pas les yeux. Au bout de
trois jours de ce régime, il alla voir son médecin traitant qui lui prescrit un
arrêt d’une semaine. Il ne savait pas si ce laps de temps suffirait mais
c’était toujours ça. Il aviserait dans le cas contraire. Et puis peut-être
qu’en passant à l’action, son mal diminuerait. Même s’il n’obtenait aucun
résultat.
2019/04/06
2019/04/05
4. La révélation (4/9)
Ils s’installèrent à la terrasse d’un café.
Elle commanda un thé, lui un demi. Autour d’eux, les gens palabraient en
regardant leurs semblables défiler. Le garçon de café ne cessait de faire des
va-et-vient entre les tables, comme si, pour compenser la langueur générale, il devait s’agiter cent fois plus. Sans se presser, le soleil amorçait sa
descente vers les toits des habitations.
Elle souffla sur son thé puis l’effleura du
bout des lèvres pour le goûter.
- Alors ? demanda-t-il, impatient.
Elle jeta un coup d’œil à gauche et à droite
puis dit d’une voix à peine audible :
- C’est parce que je travaille au…
Elle baissa tellement la voix qu’il
n’entendit pas la fin de sa phrase.
- De quoi ?! cria-t-il.
Affolée, elle lui fit signe d’être plus
discret. À nouveau, elle regarda ses voisins qui poursuivaient leurs
conversations.
- C’est parce que je travaille au service des
manuscrits d’une grande maison d’édition.
Écarquillant les yeux, il se laissa tomber sur
son dossier. Elle avait reposé sa tasse sur sa soucoupe et le fixait gravement,
convaincue de l’effet choc de sa révélation.
- Et alors ?! finit-il par s’exclamer.
2019/04/04
3. Conversation champêtre (3/9)
Ils remontèrent l’allée, séparés. À un
moment, il chercha à lui saisir la main. Sans succès.
- Tu ne veux toujours pas me le dire ?
Bougonna-t-il en enfonçant ses mains dans les poches.
- Quoi ?
- Ton prénom.
- Je te l’ai déjà dit. Il ne vaut mieux pas.
Il la doubla et se posta devant elle.
- Mais pourquoi ?!
Elle le contourna en soupirant.
- Je te préviens : si je te le dis, tu
ne me verras plus jamais.
- Peuh, comme si notre rencontre n’était
pas due au hasard ! S’écria-t-il, remonté.
Elle lui adressa un regard sibyllin :
- Va savoir.
2019/04/03
2. Chaudes retrouvailles (2/9)
Les mois passèrent. Avec le temps, il
considéra cet épisode avec humour. Lorsque, entre potes, arrivait le moment des
anecdotes salaces, il se vantait d’avoir couché avec une espionne. Pour rendre
son histoire plus croustillante, il ajoutait de faux détails : La
demoiselle avait un accent de l’est et un calibre dans son sac à main. Elle
avait exigé que les rideaux soient tirés et inspecté minutieusement toutes les
pièces avant l’acte. Un des talons de ses bottes était en fait un sex toy
dernière génération. Même s’ils y croyaient à moitié, ses potes, hilares, le
questionnaient pour en savoir encore plus. Alors, pour leur faire plaisir, il
rajoutait de nouveaux détails…
Finalement, cette histoire prit pour lui
l’allure d’un rêve. À tel point qu’il en arriva à se demander s’il l’avait
réellement vécue. Puis il l’oublia…
Or, un jour qu’il se baladait dans un parc,
il la revit. Le choc fut terrible. Un éclair s’abattant à ses pieds ne l’aurait
pas plus ébranlé. Elle était assise seule sur un banc à côté des joueurs
d’échec. Les jambes nues et prolongées par des talons, elle écrivait sur un
petit calepin. Tous les hommes alentours lui jetaient des coups d’œil en
loucedé. Elle croisait et décroisait ses jambes, mine de rien, l’air pénétré.
Ses vêtements près du corps laissaient deviner ses formes charmantes. Par
endroits et suivant ses mouvements de tête, des éclats de soleil se reflétaient
sur sa nuque et ses cheveux sombres. Une bombe. Elle aurait laissé tomber son
stylo par terre et sur les cinq cent mètres à la ronde, tous les hommes se
seraient précipités pour le ramasser. Il y aurait certainement eu des morts.
2019/04/02
1. Une liaison prometteuse (1/9)
Il l’avait rencontrée à une soirée entre
amis. Enfin entre amis, lui était le pote d’un pote de l’hôte. Elle semblait
être à peu près dans le même cas que lui, connaissant à peine les personnes
présentes. À table, ils s’étaient retrouvés l’un en face de l’autre. Il lui
avait souri et elle lui avait souri. Mangeant quasiment à la même cadence, tous
les deux s’étaient arrêtés au moment du plat, la fourchette à hauteur de la
bouche portant la même quantité de gratin, s’étaient regardés puis avaient ri.
Il l’avait tout de suite trouvé charmante, une jolie brune aux yeux brillants,
avec une voix onctueuse comme un flan à la vanille. Cette voix lui avait
d’ailleurs procuré plusieurs érections, plus ou moins franches, plus ou moins
rigides.
Ils conversèrent de tout et de rien puis, à
la fin de la soirée, il lui proposa de boire un dernier verre chez lui. À son
grand étonnement, elle accepta. Ils se jetèrent l’un sur l’autre à proximité de
la porte de son appartement. Il la lécha, la doigta puis la ramona debout sur
le paillasson. Ils burent un verre ensuite et remirent le couvert sur la table
de la salle à manger. Alors qu’il la besognait, il pouvait voir à travers les
fenêtres du balcon les silhouettes des immeubles de la ville dont certains
yeux, malgré l’heure tardive, projetaient encore de la lumière.
- Tu es magnifique, lui dit-elle après avoir
éjaculé par terre.
2019/04/01
2019/03/30
2019/03/29
4. The tree of life (4/4) : chez Élodie
Ils entrèrent dans un studio sobrement
décoré. Une odeur de propre flottait dans le lieu comme si le ménage avait été
fait juste avant leur arrivée.
Élodie déposa son sac au pied du clic-clac et
récupéra sur la table basse un mug contenant un fond tiède de thé au citron.
- S’xcuse moi pour le bordel.
Il remarqua alors l’étagère occupant un pan
entier de mur, garnie de bas en haut de DVD. Il devait y en avoir plus de deux
cent.
- Comment fais-tu pour attraper ceux près du
plafond ?
Elle alluma le lecteur DVD et la télé.
- J’attends qu’ils tombent. Je t’en prie,
mets-toi à l’aise.
Tout en se délestant de sa veste, il fixait
toujours les DVD au-dessus de lui s’imaginant leur chute à la manière des
feuilles d’automne.
- Je suppose que moins tu aimes les films
plus tu les ranges en hauteur.
- J’aime tous les films qui sont ici !
répondit-elle avec agressivité.
Cette réaction abrupte le refroidit. Il
s’abstint d’émettre une nouvelle remarque sur les DVD inaccessibles.
- Tu veux boire quelque chose ?
demanda-t-elle d’une voix mielleuse.
- Pas de refus.
Elle disparut dans la cuisine.
Il s’approcha de l’impressionnante collection
à la recherche d’un film qu’il avait déjà vu. Tiens, Fight Club. Il le prit et
l’examina sous toutes les coutures. Deux croix avaient été inscrites au feutre
noir et sur un coin de la jaquette. Il la rangea et prit le suivant, Seven.
Quatre croix formaient une ligne au même endroit. Était-ce une note ?
- Tu aimes David Fincher ?
Elle lui tendait un verre de vin rouge. Sous
l’éclairage multiple et indirect son visage paraissait parfaitement lisse et
ses lèvres charnues appétissantes comme des bonbons.
- Ouais, Seven c’était super.
- Fight Club reste son meilleur film,
asséna-t-elle péremptoirement.
Les notes étaient donc à interpréter dans
l’autre sens. Moins Elodie mettait de croix plus elle trouvait le film bon.
Elle tira les rideaux, faisant disparaître
l’immeuble voisin dont la majorité des fenêtres étaient noires et s’installa à
côté d’Étienne.
- Aux chefs d’œuvres ! dit-elle avec
emphase en cognant son verre contre le sien.
Ils burent puis regardèrent l’écran du
téléviseur sur lequel s’affichait le menu du film.
S’emparant de la télécommande, Elodie
sélectionna la version originale sous-titrée et l’enclencha.
Le film paraissait encore plus chiant au
deuxième visionnage. Cependant Éienne était tellement excité par la présence d’Élodie
qu’il ne ressentait pas la fatigue. Il lui jetait parfois des coups d’œil de
biais tout en approchant subrepticement sa main de sa cuisse. Elle, demeurait
imperturbable. Les yeux rivés sur l’écran, elle entrouvrait de temps à autre la
bouche et frissonnait. La main d’Étienne atteignit son objectif. Aussitôt, il
la fixa. La lumière bleue que l’écran projetait sur son visage lui donnait un
air menaçant, terrible. Comme si toute sa colère s’y était concentrée, prête à
une explosion dévastatrice. Il retira sa main, penaud. À sa grande surprise elle
sourit puis lui caressa l’entrecuisse. « Laisse toi faire »
murmura-t-elle en s’agenouillant entre ses jambes.
Interdit, c’était maintenant lui qui gardait
les yeux fixés sur le film. Elle le suça d’abord doucement, léchouillant son
gland avec la pointe de la langue. Puis elle avala son membre entièrement.
« Putain » gémit-il.
Tout en le branlant, elle poursuivit sa
savoureuse pipe. Il ne savait plus où il était et qui il était. Les cuisses
écartées, il se laissait aspirer, chambouler par la bouche insatiable et gourmande d’Élodie.
Leurs regards se croisèrent et son sexe trembla.
« Sur mes lunettes ! »
hurla-t-elle « Mes lunettes ! ».
Obéissant, son sperme s’étala en plusieurs
jets fougueux où elle avait exigé.
Elle poussa un cri de joie puis posa sa
monture sur la table basse.
Le visage extatique, Étienne chercha à
l’embrasser mais elle le repoussa.
« Bin quoi ? » fit-il,
désarçonné.
Elle ne répondit rien extirpant un appareil
photo de son sac et se positionnant face à ses lunettes.
« Non… ne me dis pas que tu vas… ».
Le flash aveuglant de l’appareil
l’interrompit. Il se ratatina, fébrile. Apparemment satisfaite de sa photo,
Elodie se remit à sa place, nettoya méticuleusement ses lunettes et les chaussa
à nouveau. Elle prit ensuite la jaquette du film et avec un feutre de noir y
inscrivit une croix. Une musique grandiloquente retentissait dans la pièce.
Elle la baissa légèrement, reprenant son air impassible.
FIN
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