2019/03/28

Le couple 11 : Supermacho contre Supersusceptible


3. The tree of life (3/4) : le rendez-vous



Au clou du spectacle, Élodie s’était installée à une table en terrasse. Il ne l’aurait pas reconnue si la jeune femme ne l’avait pas hélé. Elle était toute pimpante avec ses lunettes rouges et ses cheveux noirs et bouclés. Et surtout ses gros nichons. Étonnamment, Étienne n’en avait pas gardé le souvenir. Peut-être avait-elle subi une opération ? Quoi qu’il en soit, c’était une très bonne surprise.
Ils se firent la bise.
- J’ai trop la dalle, l’informa Élodie. Partant pour une assiette de charcuterie ?
Étienne acquiesça puis lui tendit le DVD.
Elle examina la jaquette attentivement. Une expression bizarre passa furtivement sur son visage. Un mélange d’insatisfaction et d’agacement.
- Alors tu as aimé ? lui demanda-t-elle avec un sourire charmant.
- Je ne dirais qu’une phrase, rétorqua-t-il, j’ai A-DO-RÉ !
Son sourire s’élargit :
- Génial, non ?
- Brillant. Absolument brillant. De A à Z.
- Brad Pitt est méconnaissable. Je ne pensais pas qu’il était capable de jouer comme ça. Quant à Sean Penn, égal à lui-même.
Bien qu’il ne se rappelait pas que Sean Penn était dans le film, il approuva.
Une douce chaleur les cajolait, exceptionnelle à cette période de la saison. À côté d’eux toutes les tables étaient occupées. Un grand nombre de passants flânaient s’arrêtant parfois pour étudier les prix des menus des restaurants.
- Pour ce film, Malick est parvenu au sommet de son art, reprit Élodie. T’as vu ces incroyables mouvements de caméra. Cette fluidité ! On a l’impression que le regard coule. Et puis paf ! D’un coup il s’arrête et devient contemplatif. J’ai adoré cette scène où, de la cime d’un arbre, on voit les enfants jouer. Comme si le végétal les protégeait du monde cruel des adultes par son regard bienveillant.
Elle marqua une pause, attendant une réaction d’Étienne.
- Et moi, bredouilla-t-il, j’ai bien aimé quand on voit le dinosaure.
Il se gratta nerveusement la tempe.
- C’était vachement impressionnant.
Elodie sourit.
- Ouais, à donf !
Pour accompagner leur plateau de charcuterie ils prirent deux pintes de bière. Petit à petit, leurs langues se délièrent. Ils parlèrent de tout et de rien et se racontèrent chacun un peu leur vie (plus lui qu’elle d’ailleurs). Un bon feeling passait entre eux et il se dit qu’il y avait moyen d’approfondir leur relation. À la fin de leur troisième bière, il lui proposa d’aller revoir le film chez lui.
Elle éclata de rire :
- C’est une bonne idée mais je préférerai chez moi.
- J’ai un écran HD.
- M’en fiche. En plus, je risquerai de l’oublier et ça annulerait tous nos efforts. Non, on va chez moi.
Il sut qu’il n’y avait plus à insister.



The tree of life (2/4) : le visionnage du film de Terrence Malick





Au rayon vidéos de la FNAC, il mit du temps à trouver le DVD de « The tree of life ». Un vendeur derrière un pupitre l’orienta vers le bon rayon. Il n’en restait plus qu’un (à moins qu’il n’y en est toujours eu qu’un). Revenant vers le vendeur, il lui demanda si le film était bien. L’autre eut un haussement d’épaules difficilement interprétable.
De retour chez lui, Étienne déballa le DVD.
Vraiment, l’affiche du film sur la jaquette où l’on voyait la gueule de Brad Pitt en gros plan avec un air ahuri ne l’encourageait pas à le mater. Il alla dans la cuisine et but à la bouteille du coca. Puis il appela des potes en arpentant la salle de séjour en long et en large. Ensuite, il se connecta sur un jeu en ligne où il fallait survivre à des attaques de zombies. Après avoir subi une morsure à la gorge, il se décida à insérer le DVD dans le lecteur. Il était une heure du mat’ et on n’entendait pas un chat. Au bout de cinq minutes de film, il sombra dans le sommeil.
Le lendemain, il se força à visionner « the tree of Life ». Ce fut un calvaire. Le film était si obscur et si lent qu’il s’endormit à plusieurs reprises.
« Qu’est-ce que c’est que cette daube ? » beugla-t-il en ouvrant pour la énième fois les yeux. Il saisit la jaquette et lut son dos. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, ce film avait bel et bien obtenu le prix suprême à Cannes.
Dubitatif, Étienne fixa l’écran où des images de nature se succédaient avec une lenteur exaspérante. On aurait dit un documentaire sur la chasse en plus chiant. À bout de patience, il arrêta la lecture et se connecta à son jeu de zombies.