2020/11/26

Rembobinage amer (Hollywood cauchemars 20)

 



 

- Oh merde, ça a dû être immense ! Ce type dégage tellement de testostérone !

Il me fixait intensément, espérant que je lui raconte mon expérience en détail. En pure perte. Je n’avais aucune intention de m’étaler là-dessus. D’abord parce que mes histoires de cul ne regardaient que moi. Ensuite parce que cet épisode s’était révélé particulièrement décevant. Tout comme J. J. Dujardin, j’avais vu en Sean Penn une bête de sexe. Or, il n’en était rien. Dans l’intimité, l’acteur était porté sur les relations sado-maso et les jeux de rôles. Ainsi, après s’être vêtu en gamin, il avait volontairement brisé un vase pour que je le punisse.

Déboussolée au départ, j’avais néanmoins joué le jeu. Je lui avais violemment tiré l’oreille puis traité de tous les noms. En pleurs, il m’avait juré qu’il ne recommencerait plus puis avait cassé un autre objet comme de bien entendu. Explosion de ma colère et fessée. Après l’avoir défroqué, j’avais eu un moment d’hésitation.

Sur ses fesses remarquablement sculptées avaient été tatouées des cibles avec des points. Remuant énergiquement la tête, je l’avais alors frappé. D’abord moyennement sur les cibles à dix points puis plus fort sur les cibles à vingt. Enfin je m’étais déchainée sur les cibles à cinquante.

Sous la pluie de coups, Sean Penn avait hurlé et s’était tordu de douleur. À un tel point que j’avais cru l’affaire réglée. C’était mal connaitre le gus. Pleurnichant et hoquetant, il avait remis son short puis m’avait fixé pendant une éternité. Je n’avais su que faire. Le jeu était-il terminé ? Le Sean Penn adulte avait-il réintégré son corps ou bien...

En tout cas, je l’avais espéré. J’en avais marre de ce cirque. C’est alors que j’avais entendu des gouttes tomber sur le sol. Mes yeux s’étaient écarquillés devant l’auréole sombre sur sa braguette ainsi que la rivière bredouillante en train de couler le long de sa cuisse.

Merde, ce con se pissait dessus ! Ulcérée, j’avais couru vers la sortie. S’élançant derrière moi, Sean Penn n’avait pas été pas loin de m’attraper. En même temps, il m’avait supplié, je me souviens encore de ses mots : « Attends, ne pars pas ce n’est pas fini ! J’ai été sale, tu dois me tordre la bite ! ».

La chance avait voulu qu’il trébuche et se rétame par terre sinon dieu sait quels autres sévices j’aurais dû lui infliger. Bref, mon fantasme sur Sean Penn était passé à la trappe. L’un des deux seuls acteurs pour lequel j’aurais mouillé l’océan Atlantique m’avait dégoûté de lui. Tout comme l’autre d’ailleurs, Brad Pitt. À croire qu’il vaut parfois mieux rester dans le désir.

- Alors ? insista J. J. Dujardin qui tenait vraiment à ce que je lui parle de ce rapport catastrophique.

- Alors je peux t’assurer d’une chose : Sean Penn n’a jamais cogné Madonna.

Ébranlé par ma réponse, l’acteur fit la moue et leva un sourcil. Il vida ensuite sa coupe puis alla s’en chercher une autre.

- Il y a un truc qui me turlupine, entamai-je en buvant dans la mienne.

- Quoi d’autre ?

- Je fais des rêves louches. Un peu toujours les mêmes et j’ai le sentiment qu’ils m’annoncent un drame.

- Comment ça ?

- Ils me disent que de baiser uniquement avec des acteurs va causer ma perte. Et parallèlement que je ne peux pas faire autrement. C’est un peu comme un cercle vicieux.

Pendant mes explications, les sourcils de J. J. Dujardin effectuèrent une drôle de gymnastique. Le droit s’abaissa tandis que le gauche se releva. Puis ce fut le contraire. Clairement, il ne comprenait rien à ce que je lui racontais. Et, j’imaginais, n’était pas loin de me prendre pour une dingue. Seule ma superbe plastique le retenait.

Quand il remarqua ma coupe vide, il me proposa d’aller en chercher une autre.

Je déclinai l’offre.

- Si on montait ? me fit-il en me montrant du menton un escalier en colimaçon derrière les tables du buffet.

Comment expliquer mon état d’esprit à cet instant-là ? J’étais lasse et légèrement ivre. Tout ce que je venais de dire à l’acteur lui était passé  par-dessus la tête. J’aurais obtenu plus d’attention de la part d’une chaussette. Un coup dans l’eau.

J’étais lasse et amère. Toute personne à ma place se serait barrée, laissant le type et son sourire artificiel face à un vide humiliant. Eh bien moi non. J’acquiesçai puis me levai en même temps que lui. Pourquoi ? Allez savoir ! J. J. Dujardin me plaisait moyen. De plus, c’était un acteur, eh oui, encore un ! Si mes mauvais rêves étaient prémonitoires, je m’enfonçais. Or, à cette heure, je m’en fichais. Un peu comme l’alcoolique titubant qui prend encore un verre, mon orgueil avait cédé à mes sales penchants. Quoi que. Mon attitude pouvait aussi signifier l’inverse. Qu’en couchant à nouveau avec un acteur je me rebellais. Choisissez l’interprétation qui vous plait. Moi, je botte en touche.

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