2020/05/18

Walking Leader dead price (Scène de vie 18)


Matin d’hiver. La boulangerie est fermée. Je promène ma sale gueule pas réveillée dans le Leader Price du quartier. Rayons encombrés de marchandises posées à l’arrache qu’on n’a pas envie d’acheter. Qu’est ce que je fous là ? C’est la question qui se répète dans mon esprit alors que je sais très bien ce que j’y fous. Des tas d’autres sales gueules me croisent comme le reflet de la mienne en plus ou moins vieux ou moche. On se croirait au bal des zombies. A la radio, une pétasse d’une station ado hurle comme si elle se doigtait en permanence. C’est le genre de personne qu’il faudrait interner pour un monde meilleur, éh bien, non, elles sont partout, ces personnes, à la radio, à la télé, au pouvoir. On les admet, résignés de bon matin au Leader Price alors qu’on a fait des tas de cauchemars la veille, qu’on a mal dormi et qu’on est à côté de la plaque. On les tolère comme le verglas gadouilleux sur la chaussée. Que voulez-vous. Parfois, je me retrouve coincé entre deux morts vivants qui semblent hypnotisés par les produits exposés. Je ne dis rien. J’attends. Indifférents à ma présence, ils contemplent des articles qu’ils ne prendront pas. Ils n’ont pas conscience qu’ils me bloquent le passage. Ils sont gras et imposants. Défroqués comme à la maison. Inutile de leur adresser la parole. Ils n’entendraient rien. Ou alors ils seraient capables de piquer une colère et de me bouffer la joue. Aux légumes, une nana s’engueule avec un employé qui range des salades. « Si j’ai bien compris, je dois me démerder ! » dit-elle. L’autre continue ses petites affaires sans se retourner. « Eh ouais » maugrée t-il « je suis comme ça ».

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