2021/01/13

Réveil désagréable (Hollywood Cauchemars 23)

 


Des fois, je me sens triste et seul. Alors je parle à mon chat et il me rappelle que je suis James Franco. Ensuite on danse - James Franco

 

 À nouveau, je me réveillai en sueur. Putain, encore ce maudit cauchemar de critique de cinéma. Il revenait de plus en plus souvent, grignotant mon espace onirique comme une blatte les déchets.

Je n’arrivais même plus à avoir de rêves érotiques, notamment celui avec Steve Job dans lequel, après nous être connectés à un serveur, nous nous changions en données numériques qui s’entrechoquaient furieusement puis explosaient en smileys jouissifs sur tous les écrans du monde.

Je ne comprenais pas. J’avais pourtant changé d’attitude afin d’enrayer l’effroyable processus.

Depuis plus d’un mois, j’avais par exemple esquivé les soirées avec les gens du cinéma, ce qui est un exploit à Hollywood. De plus, j’avais évité de regarder des films sur mon portable ou dans les salles pendant cette même période. On n’est jamais trop prudent.

Quant à coucher avec un acteur, j’avais décidé de tirer une croix dessus au marqueur noir. Plus question de mêler mes fluides avec cette espèce inconstante. D’autant que mes expériences en la matière s’étaient révélées très souvent pénibles pour ne pas dire dignes de la Tour Infernale.

Alors pourquoi le cauchemar continuait-il de me hanter et, comble de l’horreur, devenait-il de plus en plus précis et avait-il tendance à s’éterniser (d’une heure l’émission à laquelle je participais s’était allongée, mes interventions elles-mêmes prenant la forme de monologues interminables, imitations pathétiques de films abscons d’auteurs, à un point que je ne comprenais vraiment rien à ce que je disais tout en m’en gargarisant) ?

Dans un réflexe de survie, j’empoignai mon Iphone 7. Seulement qui appeler ?

Il était neuf heures et demi du mat’ et la majeure partie de mes connaissances roupillait encore, cuvant ou entamant une descente plus ou moins délicate.

Seul Ralph, mon ex-meilleur ami et confident en chef, connaissait bien le dossier et je n’avais aucune envie de m’abaisser à le rappeler depuis notre engueulade. Merde, et puis quoi encore ! C’était lui qui était amoureux de moi !

En l’appelant, je risquais de lui faire croire que j’avais besoin de lui. Or, il n’en était rien. Je l’avais remplacé par Harry, beaucoup moins disponible que ce dernier, je le reconnais, mais qui savait m’écouter et poser les bonnes questions entre mes pauses respiratoires.

Une chose m’étonnait cependant : que Ralph ne m’ait pas joint depuis tout ce temps. Pour un mec in love, je le trouvais très en dessous de la moyenne. Méga décevant pour tout dire. J’avais connu des types bien plus combattifs. Parmi eux, certains étaient même allés jusqu’à se mutiler pour obtenir de ma part juste dix secondes d’attention.

S’il espérait par son silence me faire languir, il se tirebouchonnait le poireau. Je m’en foutais royalement. D’ailleurs, je commençai à l’oublier. Des parties de son physique s’effaçaient dans ma mémoire. Était-il brun ?  Était-il blond ? Possédait-il des abdos ? Impossible de me rappeler si nous avions bu une caïpirinha ensemble dans une piscine. D’ailleurs, qu’aimait-il ? Je l’ignorais totalement.

En tout cas, ce connard n’était pas prêt d’avoir de mes nouvelles en se comportant de la sorte. Au jeu de l’indifférence, il allait se manger une grosse claque. Adieu chicots et amour propre !

Tiens, et si on commençait direct par une bombe : Suppression de son numéro ! Voilà, comme ça, mon amnésie était totale ! Et en plus, ne décrochant jamais aux numéros inconnus, je ne risquais plus de lui répondre.

Contente de moi, je reposai mon phone sur la table de chevet.

Ā travers la fenêtre, le smog se maintenait pareil à un ectoplasme visqueux et avalait les arbres et les résidences alentours. Leurs silhouettes aux contours imprécis semblaient sur le point de se dissoudre comme attaqués par des sucs gastriques. Le cafard me reprit. Comment ne plus faire ce rêve récurrent ?

Fouillant dans mon sac, j’attrapai une carte que m’avait refilé Linda après que je lui ai parlé vite fait de mon problème. Il s’agissait des coordonnées d’un médium, maître G, qui selon elle, possédait des pouvoirs fantastiques.

Par politesse, j’avais pris l’objet en pensant m’en débarrasser plus tard. Je ne croyais pas du tout à ce genre de fadaises. Les diseurs de bonne aventure et autres charlatans du même acabit, très peu pour moi. D’autant plus que je considérais Linda comme une looseuse. Ce n’était pas demain la veille que je risquais de suivre ses conseils pourraves.

Je balançai la carte à la poubelle puis hésitai à virer son numéro dans la foulée. Seule une idée de dernière minute m’en empêcha. Et si j’allais faire un tour à la salle de sport ? Cela faisait un bail que je n’y avais pas mis les pieds. Ouais, une bonne séance de rameur et je serais à nouveau d’attaque !

2020/12/16

Fixette contraceptive (Hollywood cauchemars 22)

 

 


 

La chambre suivante était libre. Sans échanger un mot, nous nous désapâmes puis nous frottâmes les parties génitales. En moins de temps qu’il n’en faut à un pharmacien pour refourguer à son client un traitement contre la calvitie et l’excès de morve hivernal (même en été), l’acteur hissa son pavillon égrillard (une tête de gland surplombant deux œufs de caille).

Seulement, au lieu de me combler les orifices comme un grand nombre de mâles, lui louvoya. Il fit glisser sa pine le long de ma colonne vertébrale, mordilla mes lobes d’oreilles, renifla mes mollets et ma chatte. Une véritable anguille qui n’arrêtait pas d’onduler autour de mon corps et de me manipuler comme un casse-tête (heureusement que j’étais souple !).

Était-ce donc cela l’amour à la française ? Un mélange de kinésithérapie et de yoga ? En tout cas, l’effet était moyen, je mouillais tiède et au compte-gouttes.

- Baise-moi, l’encourageai-je d’une voix langoureuse.

L’autre fit la sourde d’oreille et continua ses préliminaires fastidieux. Si bien que je voulus lui attraper la queue. Hélas, lorsque ma main l’effleurait, elle parvenait toujours à se dérober. « Cassée ! » disait alors J. J. Dujardin en se marrant comme un bossu.

À force, j’en eus marre et le dégageai d’un coup de pied.

- Qu’est-ce qui te prend ? s’étonna-t-il, outré.

- Écoute, faut que tu choizes, fis-je sévèrement. Soit tu pratiques l’ostéo, soit tu fais des blagues ou soit tu baises, mais pas tout en même temps !

- OK, OK, grogna-t-il. On baise.

Et il s’introduisit en moi. Au début, je ressentis du plaisir. Puis, petit à petit, le sourire bloqué de l’acteur allant et venant m’accapara.

Comme tout à l’heure, l’angoisse m’envahit. Qui avait installé ce maudit rictus sur son visage ? Était-ce un savant fou ? Un docteur en marge ? L’homme qui avait opéré J. J. Dujardin avait-il récupéré ce sourire sur un cadavre ?

J’imaginais l’acteur le bas du visage ensanglanté sur une table en bois et au-dessus de lui, le sourire neuf tenu par des câbles. Des éclairs intermittents éclairant la scène et le rire démentiel du tailleur de barbaque.

J’avais beau essayer de me concentrer sur l’ébat, la vue de ce sourire récurrent me rendait malade. Et à qui appartenait-il ? Le chirurgien hors-la-loi l’avait-il prélevé d’un psychopathe ?

Plus je le voyais et plus j’en étais convaincue. Oui, ce sourire n’avait rien de bienveillant. C’était un sourire de tordu, jubilant à l’accomplissement du mal.

Alimentée par cette idée, une vision d’horreur m’apparut. Le sourire se flétrit et projeta des larves !

Ce fut trop !

- Stop ! dis-je en freinant le coup en instance.

- Quoi encore ! éructa J. J. Dujardin, furax.

- La lumière. Faut l’éteindre. Je jouis mieux dans le noir.