Que ce
soit en tant qu’homme ou en tant que footballeur, Nicolas Anelka suscite les
controverses. Par contre, en tant que lecteur de bandes dessinées, Nicolas
Anelka fait l’unanimité. Reconnu pour son goût sûr en la matière, l’homme est
souvent sollicité par ses coéquipiers lorsqu’ils souhaitent s’acheter une œuvre
du neuvième art. On raconte aussi que l’attaquant est si sensible à ses
lectures qu’une mauvaise bédé lui fera faire un match cracra alors qu’une bonne
bédé le transformera en dieu des stades. Aujourd’hui, pour OH NON ENCORE DU
FOOT ! Nicolas Anelka nous parle des deux dernières bédés qu’il a lues :
Preacher et Le Roi des Mouches.
Preacher
de Garth Ennis et Steve Dillon : Mes sentiments à propos de cette bédé sont
mitigés. D’un côté un scénar attrayant : Dieu a quitté le paradis. Un pasteur
possédant le pouvoir de la voix (s’il l’utilise on est obligé de lui obéir)
part à sa recherche pour l’éliminer. Dans sa quête, il est accompagné de sa
compagne et d’un vampire irlandais. Cependant, l’organisation du Graal qui
dirige le monde souhaite s’approprier le pouvoir du pasteur pour préparer
l’apocalypse et l’avènement d’un nouveau Christ (qui est demeuré). En
parallèle, un cowboy indestructible, le saint des tueurs, a été réveillé pour
éliminer le pasteur… Des dialogues qui dépotent avec des tirades du
genre : « Ce con là, il m’a sodomisé ma journée ». Des
personnages bizarres, tels que tête de fion ou ces frères cannibales
vivant dans une mine abandonnée. Et surtout des histoires qui semblent n’avoir
aucune limite morale – les petites filles peuvent se prendre une balle dans la
tête et les pervers, qui sont nombreux, peuvent s’exprimer pleinement (point de
censure)… D’un autre côté, et c’est sans doute le point faible de cette bande
dessinée, du fait qu’elle soit une série (66 épisodes), elle traine en
longueur. Les digressions sont innombrables – retour sur le passé des
différents personnages, histoires annexes – et à la fin, indigestes. De plus,
la volonté de montrer qu’on ne s’interdit rien – que cette bande dessinée est
progressiste et s’attaque à tous les tabous – oblige les auteurs à en faire
trop, à aller dans la surenchère gratuite et gavante à la fin. Trop de violence
en efface l’horreur. Cependant, cette bande dessinée mérite d’être lue – Son
ton est radicalement différent des autres – véritable boulot sur les dialogues,
dessins réalistes et expressifs. Et rien que pour ça, elle vaut le
détour !
Note : deux buts en pleine lucarne.
Le Roi
des Mouches de Mezzo et Michel Pirrus (tome 1) : Comment raconter
cette bande dessinée ? A vrai dire, elle ne se raconte pas. Dans une ville
qui semble être aux Etats-Unis mais qui s’avère être en Europe (un personnage
sort de sa poche un billet de 20 euros), des personnages livrent leurs pensées
sur les événements qu’ils vivent – Certains reviennent plus souvent que
d’autres dont Eric, jeune homme qui boit et se drogue et entretient une
relation amoureuse décousue avec deux filles, Sal et Marie. Les dessins sombres
et d’une remarquable précision rendent l’atmosphère de cet album à la fois
envoutante et oppressante. Malgré les choses qui évoluent, les personnages
semblent toujours statiques même quand ils font l’amour. Ils ressemblent à des
statues douées de pensées, pensées qui sont admirablement restituées, sans
fioritures ou effets de style. L’écueil de « cet exercice » aurait
été justement de mettre trop de textes ou de faire trop littéraire. Là, non. Le
texte est juste et épouse à merveille le dessin. Les deux se complètent parfaitement,
les pensées des personnages habitant véritablement les traits dessinés, comme
une projection de leur esprit. Je ne sais pas si d’autres bandes dessinées
existent dans le genre, je veux dire, utilisant le mode du monologue intérieur
pour dérouler le récit. Pour ma part, c’est la première que j’en lis une sous
cette forme et j’ai adoré. Comme on dit dans ces cas là, vivement le tome
2 !
Note : cinq superbes buts dans une
rencontre de oufs.