Malgré l’heure de début de boulot, la nuit était encore présente comme un morpion forcené accroché à une bourse. Nouveau taff, nouveau quartier. Je découvrais.
Étant un peu à l’avance, je décidai de faire un peu de course. J’avais faim. Besoin de me remplir la panse. Diététiquement, s’il vous plait. Pas de pain choco ou de chouquettes à quatre-vingt pour cent gonflées de zéph. Non, plutôt de fruits ou de céréales bios. Aussi, cherchais-je un commerce susceptible de me proposer ce genre d’article.
Je ne tardais pas à le trouver, enfoncé dans le repli d’une rue laide et sombre. Un supermarché au nom connu, tellement connu qu’on ne le lit plus et qu’on le confond dans son souvenir avec ceux de ses concurrents ayant une renommée équivalente.
De toute façon, on s’en branle. Qu’ils se nomment Carrefour, Simply ou Auchan. On va à celui qu’est le plus proche. Et on s’en bat les couilles des soi-disant avantages qu’ils nous accordent pour notre plus grand bonheur. On n’éprouve aucun plaisir à trainer dedans. Et on est bien soulagé quand on s’en est tiré de ce merdier de la consommation. En tout cas moi. Y’en a qu’aiment parait-il, pousser un chariot et traquer les promotions
Donc, j’y rentre, pas franchement enthousiaste. L’intérieur est aussi chaleureux qu’une morgue après une épidémie de choléra. La lumière des néons est faiblarde. Quelques rares clients errent dans les rayons, l’air hagard et les bras ballants. Partout, un silence sépulcral. Même les employés qui rangent les marchandises ont la bouche cousue comme des moines.
Après moult hésitations, je saisis une banane à l’aspect indéfinissable (en effet, j’ignore si elle est mûre ou pas. Cependant, comme elles possèdent toutes la même apparence, je n’ai pas le choix) et un paquet de biscuits petit déjeuner. En deux temps trois mouvements, me voilà aux caisses, le biffeton déjà dans la main droite ! Et là, je prends une big baffe ! Aucune caissière à l’horizon ! Toutes les machines à engranger de la maille sont vides et à l’arrêt. Mazette, je pense, c’est encore fermé.
Les employés sont tellement dans le coaltar qu’ils ne m’ont même pas remarqué. Que fais-je ? M’en vais-je en laissant les articles ? Ou est-ce que je les bouffe rapide en loucedé ? Puis, soudain, j’aperçois d’autres clients. Loin d’être angoissés comme ma pomme, ils passent machinalement leurs courses au scan puis règlent la note. Quelle truffe, pourquoi l’idée ne m’avait-elle pas effleuré un instant ? Des caisses automatiques ! Voilà qui expliquait le non fonctionnement de celles nécessitant la présence d’une personne qu’on rémunère !
M’étant toujours refusé à les utiliser tant qu’on ne retirerait pas de l’addition le coût du travail accompli par le client pour son élaboration, je me tourne vers l’unique employé dans le secteur :
- Euh, il n’y a que des caisses automatiques ici ?
- Oui, monsieur, me répond laconiquement le quidam.
- Et comment ça marche ? fais-je, à la fois dérouté et écœuré de me renier pour une pauvre banane et un paquet de biscuits trop secs et trop sucrés.
Serviable, l’homme s’avance vers l’appareil. Pendant qu’il me montre comment procéder, je ne peux m’empêcher de lui dire le fond de ma pensée :
- Vous savez que je me suis toujours refusé à utiliser ce genre de truc. Pour moi, c’est un moyen perfide de réduire les emplois.
L’homme hausse les épaules tout en finissant de scanner mes courses.
- Que voulez-vous, monsieur, c’est comme ça.
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