Plus tard, alors que je me
servais une coupe de champagne au bar, j’entendis une voix chaude et sirupeuse
dire derrière moi :
- On trinque ?
Je me retournai.
Leonardo di Caprio me souriait,
prêt à cogner sa coupe de champagne contre la mienne.
- À quoi ? fis-je,
glaciale.
Il parut surpris de ma
réaction. Cependant, il garda son sourire enjôleur :
- Vous n’êtes pas au
courant ?
- De quoi ? fis-je
sur le même ton indifférent.
Avec un petit ricanement
nerveux, il se tourna vers un de ses gardes du corps :
- Tu te rends compte,
Trevor. Je viens de tomber sur la seule femme d’Hollywood qui n’est pas au
courant ! C’est fou, non ?
L’autre acquiesça,
l’expression carcérale de son visage s’adoucissant comme celle d’une peluche.
Personnellement, l’attitude
énigmatique de l’acteur commençait à m’agacer. Je la trouvais lourdaude.
- Je viens d’obtenir l’oscar
du meilleur acteur pour the revenant, annonça-t-il glorieusement.
Je le toisai de haut en bas.
Puis, m’en allant, je lâchai :
- Ça me fait une belle
jambe.
À peine cinq minutes
venaient de s’écouler que Leonardo me relança. Je continuai mon texto,
impassible.
- Vous l’avez vu, au
moins ?
- Quoi ?
- The revenant, le film
pour lequel j’ai été primé.
Je levai furtivement les
yeux sur lui.
- Ouais.
Un sourire impeccable mangea
son visage. Ses yeux brillèrent.
- Alors ?
- Alors... Pas mal.
Il éclata de rires.
- Tu es impayable !
s’écria-t-il théâtralement. Mais pas mal comment ? Genre comme Piège
de cristal ou comme 2001 l’odyssée de l’espace ?
Derrière lui et ses gardes
du corps, ses groupies prirent des airs offusqués et échangèrent des
méchancetés à mon égard. Je finis de taper mon message puis dit :
- Piège de cristal, j’ai pas
vu. Et 2001 l’odyssée de l’espace, j’étais pas née. Je dirais plutôt pas mal
comme there will be blood.
- Bingo !
gueula-t-il en levant les bras. Là, tu n’as pas le choix, trinquons !
- J’ai plus de champagne,
fis-je en montrant du menton ma coupe vide sur la table.
- Bouge pas, je vais t’en
chercher une.
Naturellement, j’en profitai
pour bouger. Ce n’était parce que Leonardo me plaisait que j’allais lui
faciliter la tâche. Et puis quoi encore ! Oscarisé ou pas, il allait
devoir faire preuve de pugnacité ! Comme son personnage de trappeur dans
the revenant !
Notre jeu de chat et de
souris dura un bon moment. À chaque fois qu’il m’abordait, je trouvais le moyen
de m’éclipser. Loin de l’énerver, ce manège l’amusait prodigieusement (je n’en
attendais pas moins de Leonardo).Je fis même semblant de m’intéresser au jeune
réalisateur ayant le vent en poupe.
Bien sûr, Leonardo ne fut
pas dupe, il me confia même à l’oreille que les mouvements de lèvres de ce type
le faisait flipper. Nous éclatâmes de rires. Ce fut le moment que choisit Linda
pour nous aborder. Elle était complètement éméchée et avait beaucoup de mal à
tenir debout et à articuler ses phrases. Cependant, à travers son baragouinage,
je compris qu’elle me faisait le reproche de ne pas lui présenter l’acteur.
J’allai traduire ses propos à Leonardo quand celui-ci fit signe à Trevor de
virer Linda.
- Mais, mais..., protesta
cette dernière soulevée sans ménagement par le molosse.
- S’il y a une chose que je
déteste plus que les brunes, déclara Leonardo, les traits durs. Ce sont les
brunes alcooliques. On devrait toutes les exécuter.
Et sans me laisser le temps
de deviner si c’était du lard ou du cochon, il s’en alla. Je le retrouvais
vingt minutes plus tard près de la piscine, galochant et pelotant deux superbes
créatures d’une vingtaine d’années. Cependant, tandis qu’il malaxait les petits
culs et plongeait sa langue avide dans les bouches offertes, son regard
étincelant ne cessait de me fixer.
Imperturbable, je passai à
quelques centimètres de cet enchevêtrement de chair. Sa main chercha à me
toucher mais, ayant anticipé ce geste, je l’évitai. J’entendis dans mon dos un
grognement de frustration puis un bruit de succion obscène.
Un sourire aux lèvres, je
retournai dans la salle de séjour et récupérai mon sac. Il n’était pas loin de
deux heures du mat’ et j’avais fait le tour de cette soirée. Demain, ou plutôt
tout à l’heure, j’avais des choses importantes à faire et une autre soirée chez
un producteur renommé.
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