2019/11/10

Un président jeune et fougueux (suite - Crise internationale 2)









- Très bonne question, François, fit l’homme étincelant contre toute attente (les seize autres ministres se laissèrent tomber sur le dossier moelleux de leur chaise regrettant leur couardise). Maintenant que je suis au pouvoir, je veux faire une action marquante sur le plan international. Pour montrer aux autres pays que la France est de retour dans le game (comme il était jeune et dans l’air du temps, il employait souvent des termes anglo-saxons).


- Mais vous ne l’avez pas déjà fait, sire ? Hasarda le ministre de l’économie et des finances, encouragé par l’audace involontaire de celui de la transition écologique et solidaire.


Il faisait référence à la poignée de main virile que Manuel Trèbon avait échangée avec Donald Moumoute, le président des États-Unis et indiscutable maître du monde. À la télé, l’image était repassée en boucle aux informations. On y voyait les deux hommes maintenir leur étreinte, mâchoires crispées. Après une longue minute, Donald Moumoute avait retiré sa main de l’étau à cinq doigts de Manuel Trèbon et affiché l’air déconfit du Sumo à terre. 


Émoustillés par cette démonstration de force, les médias se répandirent en commentaires, décortiquant chaque seconde de cet épisode, récapitulant les poignées de mains les plus disputées de cette décennie, imaginant comment aurait pu riposter le président des États-Unis. La France dans le top cinq des poignées de mains ! Titra un journal très sérieux.


Pour tous, le président français avait marqué des points et débutait son mandat sur des chapeaux de roues. Seul un journaliste ne partagea pas l’enthousiasme général et rappela que Donald Moumoute n’était pas du genre à rester sur une défaite. À la fin de son article, il prédisait que la prochaine poignée de mains entre les deux hommes serait épique et se conclurait par la cinglante déconfiture de Manuel Trèbon.


- Peuh, balaya le président de la République avec une moue méprisante. Ça, ce n’était rien. Non, il me faut du lourd ! Du très très lourd !


- Broyer la main du président chinois ? S’enfonça le ministre de l’économie et des finances.


- On pourrait faire pousser des navets et des pommes de terre sur des plateformes offshores, suggéra le ministre de l’agriculture.


- Ou construire des hôpitaux gratuits et aériens accessibles aux gens du monde entier, dit le ministre de la Santé.


- Non, non, non, tout ça c’est nul ! Archi nul ! S’emporta le président de la République qui, de toute façon, ne tenait jamais compte des idées des autres. Fermez vos bouches et laissez-moi réfléchir.


Il but son verre (que le ministre des verres d’eau, euh des armées, s’empressa de remplir) puis se prit le crâne à deux mains. Dix secondes plus tard, son visage s’éclaira et il s’écria :


- Mais oui, bien sûr !

Aucun commentaire: