- Très bonne question, François,
fit l’homme étincelant contre toute attente (les seize autres ministres se
laissèrent tomber sur le dossier moelleux de leur chaise regrettant leur couardise).
Maintenant que je suis au pouvoir, je veux faire une action marquante sur le
plan international. Pour montrer aux autres pays que la France est de retour
dans le game (comme il était jeune et dans l’air du temps, il employait souvent
des termes anglo-saxons).
- Mais vous ne l’avez
pas déjà fait, sire ? Hasarda le ministre de l’économie et des finances, encouragé
par l’audace involontaire de celui de la transition écologique et solidaire.
Il faisait référence à
la poignée de main virile que Manuel Trèbon avait échangée avec Donald
Moumoute, le président des États-Unis et indiscutable maître du monde. À la
télé, l’image était repassée en boucle aux informations. On y voyait les deux
hommes maintenir leur étreinte, mâchoires crispées. Après une longue minute,
Donald Moumoute avait retiré sa main de l’étau à cinq doigts de Manuel Trèbon
et affiché l’air déconfit du Sumo à terre.
Émoustillés par cette
démonstration de force, les médias se répandirent en commentaires, décortiquant
chaque seconde de cet épisode, récapitulant les poignées de mains les plus
disputées de cette décennie, imaginant comment aurait pu riposter le président
des États-Unis. La France dans le top cinq des poignées de mains ! Titra
un journal très sérieux.
Pour tous, le président
français avait marqué des points et débutait son mandat sur des chapeaux de
roues. Seul un journaliste ne partagea pas l’enthousiasme général et rappela
que Donald Moumoute n’était pas du genre à rester sur une défaite. À la fin de son
article, il prédisait que la prochaine poignée de mains entre les deux hommes
serait épique et se conclurait par la cinglante déconfiture de Manuel Trèbon.
- Peuh, balaya le
président de la République avec une moue méprisante. Ça, ce n’était
rien. Non, il me faut du lourd ! Du très très lourd !
- Broyer la main du
président chinois ? S’enfonça le ministre de l’économie et des finances.
- On pourrait faire
pousser des navets et des pommes de terre sur des plateformes offshores,
suggéra le ministre de l’agriculture.
- Ou construire des
hôpitaux gratuits et aériens accessibles aux gens du monde entier, dit le
ministre de la Santé.
- Non, non, non, tout
ça c’est nul ! Archi nul ! S’emporta le président de la République
qui, de toute façon, ne tenait jamais compte des idées des autres. Fermez vos
bouches et laissez-moi réfléchir.
Il but son verre (que le
ministre des verres d’eau, euh des armées, s’empressa de remplir) puis se prit
le crâne à deux mains. Dix secondes plus tard, son visage s’éclaira et il s’écria :
- Mais oui, bien
sûr !
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