2019/11/23

Moumoute se fait des cheveux (Crise internationale 4)




 





Donald Moumoute le fixa comme un chewing-gum usagé doué de vie.

- C’est qui Kon Je Nou ?

- C’est le président du Turkménistan du nord. Il n’arrête pas de se moquer de l’Occident en lançant des missiles de plus en plus destructeurs dans la mer.
- C’est où le Turkménistan du nord ?

- Dans le nord, répondit laconiquement Paul Robson qui savait les connaissances du président en géographie limitées.

Il y eut un moment de flottement, chacun des conseillers feignant de ne pas remarquer l’incompréhension de leur chef.

- Eh bien alors ? S’impatienta le vieux lion emperruqué que ce silence agaçait au plus haut point. Je ne vous paye pas pour faire les poissons sinon j’aurais commandé des aquariums !

En tant qu’ancien capitaine d’industrie, Donald Moumoute adorait rappeler à ses sous-fifres qu’il les rémunérait.

À part lui, tout le monde dans la pièce avait compris depuis le début où Paul Robson voulait en venir. C’était vraiment très malin, digne de son esprit retors.
- Nous sommes l’empire du Bien, expliqua le conseiller comme un maître qui aborde une leçon délicate. Si nous présentons le Turkménistan du nord comme une menace pour le monde libre et l’empêchons de continuer à tester des missiles, nous renforcerons notre leadership sur la scène internationale et vous-même...

Il n’alla pas au bout de sa phrase. Occupé à se nettoyer les ongles avec un de ses inséparables cure-dents, Donald Moumoute ne l’écoutait plus. Ce qui n’était pas étonnant à vrai dire. D’abord parce que la capacité de concentration du président des États-Unis était aussi développée que celle de la limace pour voler. Ensuite parce que des concepts tels que « monde libre » ou encore « scène internationale » n’évoquaient pas grand-chose à son esprit et dérivaient sans cesse à l’intérieur un peu comme les astéroïdes dans le vide intersidéral. Enfin et surtout parce que, manquant de patience, il s’était mis en tête de consulter son bras droit, bras droit qui ne participait jamais à ces réunions et pour cause ! puisque c’était... Vous le saurez par la suite !

- OK, fit-il. C’est tout ce que vous aviez à me dire ?

En habitués aux sautes d’humeur de leur chef, la petite assemblée haussa les épaules comme un seul homme. En plus de ce haussement, Paul Robson adressa un regard entendu à certains de ses collègues qui signifiait : Passage au plan B, les amis. En quoi consistait-il ? Un peu de patience, ça aussi vous l’apprendrez plus tard.

Tandis que Donald Moumoute s’apprêtait à passer la porte à double-battants de la pièce, celle-ci s’ouvrit côté gauche (à deux secondes près, le président des États-Unis se la prenait en pleine poire. Enfin s’il ne s’était pas trouvé sur le côté droit*). Amanda Fingertrip apparut sur le seuil, à bout de souffle. Secrétaire personnelle de Donald Moumoute, c’était une femme tout en os, au tailleur strict et aux yeux cernés qui semblait toujours débordée de travail et ne traiter que des dossiers urgentissimes (miss gyrophare était son surnom).

- Monsieur le président..., haleta-t-elle, une main sur son cœur battant, l’autre maintenant un dossier obèse contre sa hanche enfoncée.

- Oui Amanda ? sourit l’impétueux que la vue de sa secrétaire stressée remplissait toujours d’aise.

- Manuel Trèbon, le président de la France est au téléphone. Il voudrait vous parler.

Donald Moumoute fronça ses sourcils broussailleux.

- Qui ? demanda-t-il sur un ton rude.

* Pour éviter tout incident à ce sujet, il avait été convenu que les personnes entrantes dans le bureau ovale ouvriraient le battant gauche tandis que les personnes sortantes passeraient par le droit. Cependant, incapable de mémoriser cette règle élémentaire, Donald Moumoute pouvait tout aussi bien sortir par la gauche que rentrer par la droite.

 

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