Donald Moumoute le fixa
comme un chewing-gum usagé doué de vie.
- C’est qui Kon Je Nou ?
- C’est le président du Turkménistan
du nord. Il n’arrête pas de se moquer de l’Occident en lançant des missiles de
plus en plus destructeurs dans la mer.
- C’est où le Turkménistan
du nord ?
- Dans le nord, répondit
laconiquement Paul Robson qui savait les connaissances du président en
géographie limitées.
Il y eut un moment de
flottement, chacun des conseillers feignant de ne pas remarquer
l’incompréhension de leur chef.
- Eh bien alors ?
S’impatienta le vieux lion emperruqué que ce silence agaçait au plus haut
point. Je ne vous paye pas pour faire les poissons sinon j’aurais commandé des
aquariums !
En tant qu’ancien capitaine
d’industrie, Donald Moumoute adorait rappeler à ses sous-fifres qu’il les
rémunérait.
À part lui, tout le monde
dans la pièce avait compris depuis le début où Paul Robson voulait en venir.
C’était vraiment très malin, digne de son esprit retors.
- Nous sommes l’empire du
Bien, expliqua le conseiller comme un maître qui aborde une leçon délicate. Si
nous présentons le Turkménistan du nord comme une menace pour le monde libre et
l’empêchons de continuer à tester des missiles, nous renforcerons notre
leadership sur la scène internationale et vous-même...
Il n’alla pas au bout de sa
phrase. Occupé à se nettoyer les ongles avec un de ses inséparables cure-dents,
Donald Moumoute ne l’écoutait plus. Ce qui n’était pas étonnant à vrai dire.
D’abord parce que la capacité de concentration du président des États-Unis
était aussi développée que celle de la limace pour voler. Ensuite parce que des
concepts tels que « monde libre » ou encore « scène
internationale » n’évoquaient pas grand-chose à son esprit et dérivaient
sans cesse à l’intérieur un peu comme les astéroïdes dans le vide intersidéral.
Enfin et surtout parce que, manquant de patience, il s’était mis en tête de
consulter son bras droit, bras droit qui ne participait jamais à ces réunions
et pour cause ! puisque c’était... Vous le saurez par la suite !
- OK, fit-il. C’est tout ce
que vous aviez à me dire ?
En habitués aux sautes
d’humeur de leur chef, la petite assemblée haussa les épaules comme un seul
homme. En plus de ce haussement, Paul Robson adressa un regard entendu à
certains de ses collègues qui signifiait : Passage au plan B, les amis. En
quoi consistait-il ? Un peu de patience, ça aussi vous l’apprendrez plus
tard.
Tandis que Donald Moumoute
s’apprêtait à passer la porte à double-battants de la pièce, celle-ci s’ouvrit
côté gauche (à deux secondes près, le président des États-Unis se la prenait en
pleine poire. Enfin s’il ne s’était pas trouvé sur le côté droit*). Amanda Fingertrip
apparut sur le seuil, à bout de souffle. Secrétaire personnelle de Donald
Moumoute, c’était une femme tout en os, au tailleur strict et aux yeux cernés
qui semblait toujours débordée de travail et ne traiter que des dossiers
urgentissimes (miss gyrophare était son surnom).
- Monsieur le président...,
haleta-t-elle, une main sur son cœur battant, l’autre maintenant un dossier
obèse contre sa hanche enfoncée.
- Oui Amanda ? sourit
l’impétueux que la vue de sa secrétaire stressée remplissait toujours d’aise.
- Manuel Trèbon, le
président de la France est au téléphone. Il voudrait vous parler.
Donald Moumoute fronça ses
sourcils broussailleux.
- Qui ? demanda-t-il
sur un ton rude.
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