2019/05/17

6. Contact (6/6)







Au début du repas, ils parlèrent du boulot et des collègues. Puis la conversation bifurqua sur l’animateur télé qui venait de mourir si jeune à cause de ses nombreux excès. Valentine déplora sa disparition avançant qu’il avait aidé beaucoup de gens lors de ses émissions.

« Oui, oui, c’est vrai » reconnut Alban qui se souvint avoir rêvé de sa mort récemment (en réalité ce n’était pas tout à fait ça. La personne célèbre qui avait perdu la vie dans son rêve était un pilote de voiture. Mais l’animateur TV n’avait-il pas le permis ?).

Cela lui fit comme un coup de jus. Le voyant sursauter sur sa chaise, Valentine s’inquiéta. Quelque chose n’allait pas ?

Arrivèrent les plats, une lotte rôtie et un filet de bœuf. Alban secoua la tête pour la rassurer. Non, non, tout allait bien. Plein d’une surprenante audace, il posa sa main sur la sienne. Enfin, non, pas tout à fait. Il la regarda, le visage grave. Le serveur remplit leurs verres. À la fois interdits et fascinés, ils fixèrent la lente montée du vin gargouillant. La main d’Alban serra celle de Valentine qui pour la première fois sourit à moitié.

« Comment réagirais-tu si tu pouvais voir l’avenir ? » dit Alban, une fois le serveur parti. Il ne laissa pas à Valentine le temps de répondre : « Et si tu savais qu’un virus mortel va bientôt ravager les trois quarts de la planète. »

Les yeux de la jolie brune s’arrondirent. Sa main sous celle d’Alban recula légèrement. Sur le front de l’informaticien apparaissaient des gouttes de sueur. Ses lèvres tremblaient et ses pupilles étaient devenues énormes. Elle distinguait à leurs surfaces son visage effaré ainsi qu’en arrière plan le patron du restaurant derrière sa caisse en train de vérifier les additions.

Maintenant, le débit d’Alban s’était accéléré. Il avalait certains mots embrouillant par moment ses explications. D’après lui, à la date fatidique du 31 décembre, le virus se répandrait dans le monde. Seule l’Australie ne serait pas touchée par ce fléau. C’est pourquoi il avait vendu son appartement de la banlieue parisienne et acheté deux billets d’avion pour partir au mois de novembre. À ce stade du récit, il se mit à bafouiller…

Oui, deux billets d’avion, au cas où quelqu’un l’accompagnerait. Quelqu’un d’important pour lui, à qui il offrirait une chance d’échapper à la mort et de commencer une nouvelle existence.

Là, il se tut. Ses paupières clignèrent et il prit un air de chien battu : « Toi, par exemple. »

- Euh… C’est une blague ? dit Valentine le plus sérieusement du monde.

Depuis qu’il avait ouvert son cœur, elle avait cessé de mangé sa viande et ramené sa main vers elle. Son sourire, si naturel, avait disparu et son visage s’était chiffonné exprimant à la fois l’inquiétude et de l’effroi. Il comprit alors que s’il s’entêtait dans son histoire, il allait la perdre irrémédiablement.

Lentement, il saisit son verre de vin et en avala une gorgée longue comme pour le déguster. Le posant ensuite sur la table, il lui adressa un sourire chafouin :

-  Mais oui évidemment ! Dire que tu as failli me croire…

FIN

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