2019/05/13

2. L’incident bénéfique (2/6)



Des gens commençaient à rentrer dans le restaurant et il ne pouvait s’empêcher de lever des yeux craintifs sur eux. Pour ne pas perdre son calme, il tâcha de se concentrer sur son entrée en matière : « Dès que tu la vois, tu te lèves et tu lui tends le casse-tête… ».

Il avait choisi cet objet parce qu’il les avait vues en rêve deux jours auparavant.

En effet, depuis qu’il avait eu cet accident stupide de photocopieuse, Alban n’avait plus du tout la même perception du réel. Des visions venaient le perturber pendant son sommeil. Des visions dont il était convaincu qu’elles étaient prémonitoires.

Ce phénomène provenait-il du fait que certains membres de sa famille possédaient des dons de voyance (notamment sa grand-mère qui lisait l’avenir dans les épinards) ? Et l’évènement déclencheur ne devait-il pas forcément se dérouler ?

L’abruti de collègue qui l’avait poussé dans le dos, l’envoyant tête la première contre la photocopieuse n’avait-il pas été l’instrument du destin ?

Plus Alban y réfléchissait plus il en était persuadé. D’ailleurs sa première vision avait été juste.

Elle avait eu lieu tout de suite après que sa tête ait cogné contre la machine. Un éclair blanc avait jailli de nul part et l’avait aveuglé (les rares à qui il avait raconté l’anecdote prétendaient que cet éclair provenait sans doute de la photocopieuse enclenchée par erreur. Hypothèse qui le contraria et à laquelle il répondit par une grimace désapprobatrice). Le noir ensuite semblable à celui d’un tunnel sans éclairage. La sensation de glisser dans ce tunnel en accélérant. Du chaud, du froid, des picotements. Et le sentiment de mourir à petit feu. Puis deux chiffres étincelants comme deux évidences. Le quinze et le neuf. Des chiffres qu’il avait joués au loto la veille et qui sortirent effectivement lors du tirage, lui permettant d’empocher quatre euros. Si ce n’était pas une preuve.

D’autres visions avaient suivi ensuite… Dont celle qui l’avait traumatisée au point de le rendre malade pendant une semaine et contraint à prendre une décision radicale.

(À suivre)

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