Des gens commençaient à rentrer dans le
restaurant et il ne pouvait s’empêcher de lever des yeux craintifs sur eux.
Pour ne pas perdre son calme, il tâcha de se concentrer sur son entrée en
matière : « Dès que tu la vois, tu te lèves et tu lui tends le
casse-tête… ».
Il avait choisi cet objet parce qu’il les
avait vues en rêve deux jours auparavant.
En effet, depuis qu’il avait eu cet accident stupide
de photocopieuse, Alban n’avait plus du tout la même perception du réel. Des
visions venaient le perturber pendant son sommeil. Des visions dont il était
convaincu qu’elles étaient prémonitoires.
Ce phénomène provenait-il du fait que
certains membres de sa famille possédaient des dons de voyance (notamment
sa grand-mère qui lisait l’avenir dans les épinards) ? Et l’évènement
déclencheur ne devait-il pas forcément se dérouler ?
L’abruti de collègue qui l’avait poussé dans
le dos, l’envoyant tête la première contre la photocopieuse n’avait-il pas été
l’instrument du destin ?
Plus Alban y réfléchissait plus il en était
persuadé. D’ailleurs sa première vision avait été juste.
Elle avait eu lieu tout de suite après que sa
tête ait cogné contre la machine. Un éclair blanc avait jailli de nul part et
l’avait aveuglé (les rares à qui il avait raconté l’anecdote prétendaient que
cet éclair provenait sans doute de la photocopieuse enclenchée par erreur.
Hypothèse qui le contraria et à laquelle il répondit par une grimace
désapprobatrice). Le noir ensuite semblable à celui d’un tunnel sans éclairage.
La sensation de glisser dans ce tunnel en accélérant. Du chaud, du froid, des
picotements. Et le sentiment de mourir à petit feu. Puis deux chiffres étincelants
comme deux évidences. Le quinze et le neuf. Des chiffres qu’il avait joués au
loto la veille et qui sortirent effectivement lors du tirage, lui permettant
d’empocher quatre euros. Si ce n’était pas une preuve.
D’autres visions avaient suivi ensuite… Dont
celle qui l’avait traumatisée au point de le rendre malade pendant une semaine et
contraint à prendre une décision radicale.
(À
suivre)
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