Revenons maintenant au
combat des chefs. Quand il fut certain que ni Donald Moumoute ni Kon Je Nou ne
pouvaient reculer, les deux camps se rencontrèrent pour organiser ce match au
sommet et en établir les règles.
D’abord, il fut décidé qu’il
se déroulerait au Switzland. Pays connu pour son indéfectible neutralité, il
avait également la particularité de se trouver à égale distance du Turkménistan
du nord et des États-Unis. Bref, d’être au milieu de la distance qui séparait
les deux pays, ce qui ne favorisait aucun des dirigeants pour y venir ou pour
en partir. De la même manière, on estimait que le climat de douce quiétude
inhérent à cette nation adoucirait les passions. Le vainqueur du combat
contiendrait certainement sa joie et le perdant pourrait se requinquer au bord
du lac de la capitale dont les vertus vivifiantes étaient renommées. De plus,
chacun possédait plusieurs comptes bancaires là-bas, il aurait l’occasion de
voir enfin ses conseillers. En d’autres termes, de joindre le sportif au
pécunier.
Concernant les règles du
combat, elles avaient été simplifiées au maximum. Tous les coups étaient
permis : on pouvait frapper avec les poings et les pieds, mordre, viser
les parties sensibles. Aucune protection n’était par contre autorisée, pas plus
que les armes blanches ou à feu.
L’affrontement durerait
jusqu’à ce que l’un des lutteurs tombe KO ou avoue sa défaite. Après, il avait
été en premier lieu convenu que le perdant cède aux exigences du gagnant (pour
Kon Je Nou, d’arrêter ses tirs de missiles, pour Donald Moumoute d’arrêter
d’installer des bases militaires dans le Turkménistan du sud). Et en second
lieu qu’il lui fasse des excuses publiques.
Vous l’aurez compris, si le
premier point de l’accord n’engageait à rien (les deux parties pouvant
poursuivre leurs agissements dans l’ombre), le second point placerait le
dirigeant battu dans une position compliquée. Humilié aux yeux du monde et
surtout de son peuple, il ne serait plus vraiment légitime aux commandes de son
pays. Aussi, les deux camps mirent tout en œuvre pour remporter la victoire.
Du côté du Turkménistan du
nord, on décida de remplacer Kon Je Nou par Koi Don Il pour le combat. Il
s’agissait d’un des nombreux sosies du guide suprême. Pour tout dire, ils
étaient une vingtaine dont les fonctions variaient. Certains étaient chargés de
dire les discours officiels, d’autres de se montrer à toute heure de la nuit
pour faire croire que Kon Je Nou ne dormait jamais.
Koi Don Il, quant à lui,
était unique en son genre et de ce fait le chouchou du chef d’État. Encore plus
depuis la programmation de cet affrontement inédit. Quatre fois par jour, il se
déplaçait dans les sous-sols de son palais et supervisait l’entraînement de son
poulain.
En la présence du leader
joufflu aux yeux froids, l’équipe responsable de la préparation physique de Koi
Don Il sortait toujours le grand jeu : une dizaine d’opposants politiques
coiffés de la perruque honteuse et armés de bâtons hérissés de clous défiaient
celui qu’on surnommait non sans frémir « le massacreur ». Pas très
longtemps en général.
Champion de karaté et de
boxe thaï, Koi Don Il ne faisait qu’une bouchée de ses adversaires. Aussi cruel
que son modèle, il éprouvait énormément de plaisir à briser leurs membres ou à
pulvériser leurs organes vitaux.
À
chaque coup qu’il donnait, un terrible cri de souffrance retentissait, le sang
giclait et si la victime y survivait, sa supplication succédait dans la foulée,
interrompue aussitôt par une claque mortelle.
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