Comme je l’expliquais dans la partie précédente (la course
aux mots), j’ai beaucoup de mal à écrire. Chez moi, cette activité engendre
plus de frustration que de plaisir (du moins, à première vue). Si, par exemple,
je ne parviens pas à écrire ce que j’ai en tête, mon humeur s’en trouve altérée.
Pour peu que je m’y astreigne en début de matinée, c’est toute ma journée que
je mets en péril, la perception que je vais en avoir. Une mauvaise séance
d’écriture et je vois tout en noir. Il me faut un certain temps pour remonter
la pente, retrouver l’équilibre. Me libérer de ce sentiment merdique. Lors de
ces moments, j’évite en général d’emprunter des trajets avec des ponts.
Plus sérieusement, je lutte, courbaturé par mes cogitations
stériles, mes égarements syntaxiques et mes radotages lexicaux. Mon corps pâtit
de mes réflexions intenses. Je prends des positions inconfortables à l’image de
mes pensées qui effectuent d’extravagantes sinusoïdes. Je me tords, me crispe,
retiens ma respiration, me cogne les tempes. Je suis sur un ring vide délimité
par des cordes ballantes et je m’affronte – mode fight club. Combat qui très
souvent m’épuise.
Beaucoup croient que parce qu’on est le cul sur une chaise
écrire équivaut à un moment de détente. Pour un laborieux comme moi, non. J’en
chie et consomme une formidable énergie pour noircir des pages. Ne serait-ce
que pour me concentrer. M’immerger à nouveau dans le monde que j’ai créé.
Dernièrement, j’étais dans la peau de Stacy, l’héroïne négative
de mon dernier roman « Hollywood cauchemars ». Elle était blonde,
bimbo jusqu’au bout des ongles et vivait à Los Angeles. Chaque jour, je devais
m’abstraire de moi-même et de ce qui m’entourait pour la rejoindre dans ses
soirées people dans des villas hors de prix. Un effort colossal d’imagination
pour le petit employé de bureau que je suis.
Et puis il y a les mots… Les mots qui se dérobent dès qu’on
souhaite les écrire, animaux craintifs qui détalent devant les flux
bouillonnant de ma matière grise (comme c’est le cas-là maintenant, si, si).
Et les phrases qu’on assemble tant bien que mal. Qu’on
bricole sans mode d’emploi. Qui s’effondrent neuf fois sur dix (probabilité
volontairement gonflée pour l’effet dramatique) mettant à l’épreuve nos nerfs
déjà fortement éprouvés. Oui, tout cela est éreintant. Terriblement usant.
Le retour au réel se fait souvent par paliers comme les
plongeurs en bouteilles. On a toujours l’impression d’avoir laissé un peu de sa
peau dans l’entreprise.
Cependant, ne rien faire serait pire pour moi et je ne peux
pas m’en empêcher. Créer des mondes m’apaise. Et le « prix » à payer
pour leur matérialisation m’apparait bien minime.
C’est tout pour aujourd’hui.
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