18 heures. À peine posé-je un pied sur le quai du RER C qu’une voix désenchantée d’employée de la SNCF se fait entendre : « Suite à un accident de voyageur, le trafic est interrompu ». Immédiatement, les personnes autour de moi se mettent à râler. Je m’assieds sur un siège, tranquille, tandis que des grappes énervées de gens pâles et cernés s’en vont vers d’autres connexions. À côté de moi, deux bonnes femmes n’arrêtent pas de pester. « Quand ce n’est pas un incident technique, c’est une grève » dit l’une. M’incrustant entre leurs plaintes, j’admets que la ligne de RER C est une ligne magnifiquement pourrave mais qu’il y a dû certainement avoir un suicide (accident de voyageur voulant souvent dire cela) et que là ce n’est pas nécessairement la faute des employés de la SNCF. Les deux bonnes femmes sont à la limite de se jeter sur moi et de me planter leurs fausses dents dans la gorge. Téméraire, j’ajoute que le temps qu’on ramasse les morceaux du voyageur accidenté, il risque d’être l’heure de retourner au boulot. Juste à cet instant, la voix de futur voyageur accidenté de l’employée SNCF entonne le même refrain « Suite à un accident de voyageur, le trafic est interrompu ».
Je me résigne donc à prendre la ligne de la mort, la 13. Dès que je pénètre dans la rame, des odeurs de sueur, de tabac froid et de relents gastriques, viennent me chatouiller les narines. Nous sommes les uns contre les autres, malgré nous. Et dans ce cas là, on aimerait que le temps de voyage soit le plus court possible. Sauf qu’avec la ligne de la mort, ce n’est même pas la peine d’y penser. Avec la ligne de la mort, tu es puni ! Serre les dents et les fesses et oublie qu’en moyenne un métro met 5 minutes pour aller d’une station à l’autre. Et pendant que tu y es, oublie toi c’est la meilleure chose à faire.
À Saint-Lazare, alors que le train s’apprête à partir, un ado sur le quai passe la tête à travers la fenêtre ouverte et crie « eh j’peux venir avec vous ? », faisant sursauter la moitié du wagon. Puis il ajoute : « M’en fous de tout de façon, j’vous aime pas ! ».
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