Il a une tête joviale. Tout de suite ça saute
aux yeux que c’est une bonne nature, un bon gars. A 51 ans, il a la pêche et
rit à toutes les occasions. Il vient d’apporter du bois qu’il a coupé sous la
pluie et dans le froid. Pour arrondir ses fins de mois, avoue t-il avec le
sourire et un petit clin d’œil chafouin.
A la télé passe une émission de foot.
Karim Benzema accompagné du président Aulas visitent les infrastructures du
stade Santiago Bernabeu afin d’officialiser son transfert au Real Madrid. La
veste du jeune joueur brille intensément. A croire qu’il l’a achetée dans une
bijouterie. Ses autres vêtements sont dans la même veine. Ils puent le fric, la
réussite sociale fulgurante, ostentatoire
et démesurée.
Assis sur une chaise et apéro à la main, le coupeur de bois a un
grand sourire aux lèvres. Il porte un vieux bleu de travail et des chaussures
de sécurité pour ne pas se blesser lorsqu’il utilise la tronçonneuse. La pluie
et le froid qui ont perduré pendant ces deux dernières semaines ne l’ont pas
abattu. Il a coupé du bois en forêt sans discontinuer. Comme les temps sont
durs. Et comme le salaire qu’il gagne à la chaudronnerie ne suffit pas :
1800 euros par mois, c’est pas bézef.
A la télé, Benzema rutilant comme une merco
neuve pénètre dans une nouvelle salle : Il y a un sauna, des jacuzzis qui
brillent outrageusement. On se croirait dans un clip de rappeurs millionnaires
sans les jolies nénettes à moitié nues (fortement suggérées néanmoins). La
coupe du footballeur semble du millénaire suivant. Connaîtrait-il des coiffeurs
Vulcains ? Et quel prix a-t-il dû payer pour paraître différent, d’un
autre monde, au-dessus ? L’entourant, le président Aulas et le président
Perez sourient avec l’air ravi de grands papas qui regardent leurs petits
enfants ouvrir les cadeaux de Noël. Benzema saisit son futur maillot et le
montre aux caméras. Il est heureux. Toujours avec le sourire, le coupeur de
bois se demande s’il va garder son emploi jusqu’à la retraite qui recule
inexorablement. La chaudronnerie fonctionne mal. Ils ont dû licencier… Il
verra… Deux, trois blagues puis il finit d’un trait son apéro. Ce n’est pas
tout, mais il a encore du bois à couper. Sa main robuste se tend. Plusieurs
pubs braillardes visant la population masculine se succèdent sur le petit
écran.
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