Les hommes cherchent
souvent un sens à leur vie. Qui sommes nous ? D’où venons-nous ? Où
allons-nous ? sont les questions primordiales qu’ils se posent à certains
moments de leur existence, leur donnant l’expression grave des statues antiques
au visage. Pour les non croyants, le silence qui suit ces questions suscite une
terrible angoisse. Aussi, parmi ces gens, quelques-uns ont décidé de prendre
les choses en main. Ils se sont réunis autour d’un bon gueuleton et ont décidé
de constituer des groupes : le premier groupe serait chargé de répondre à
la question « Qui sommes-nous ? », le second à la question
« D’où venons-nous ? » et le troisième à la question « Où
allons-nous ? ».
Après plusieurs années de réflexion et moult
péripéties (des groupes se séparèrent puis se reformèrent, effectuant des
come-back inespérés), l’un des groupes parvint à trouver une réponse. Surnommé
le trio de la perdition, personne n’aurait pourtant misé un centime d’euro sur
ce dernier. Composé d’un alcoolique, d’une dépressive et d’un fou, ce groupe
était chargé de répondre à la dernière question : « Où allons
nous ? ». Les clashs furent nombreux, l’alcoolique vomissant à chaque
début de réunion, la dépressive ne tenant que des propos négatifs et
démoralisants, le fou se cognant la tête toutes les cinq minutes contre le
plateau de la table. Un jour, pourtant, il y eut communion. L’alcoolique, la
dépressive et le fou regardèrent dans la même direction, c’est-à-dire vers le
tableau sur lequel était inscrit à la craie jaune : « Où allons
nous ? ». Traversant la pièce remplie de flaques séchées de vomi et
de boîtes d’antidépresseur, un rayon de soleil illuminait le tableau et la
question. L’alcoolique fixa la dépressive qui fixa le fou qui se cogna la tête
contre le plateau de la table. « Bon sang mais c’est bien sûr »
s’écria l’alcoolique, « l’homme tend… » continua la dépressive,
« vers l’ultime bandaison ! conclut le fou en explosant de rire.
Dans son existence,
l’homme ne connaît qu’une seule érection de ce type. En général, il s’agit de
la dernière d’où son nom « l’ultime bandaison ». Elle dure exactement
trente secondes. Pendant ce laps de temps, le sexe mâle prend des dimensions
inhabituelles. Il est deux fois plus grand et gros que lors d’une érection
normale. D’autre part, sa rigidité est exceptionnelle. En août 2005, dans
l’état du Kentucky, trois gamins facétieux cassèrent une tronçonneuse en
voulant raccourcir l’ultime bandaison de leur grand-père en train de dormir et
de cuver son whisky (l’homme, parait-il, ne se réveilla même pas).
Lorsqu’il a cette
ultime bandaison, l’homme ressent un immense bonheur. C’est comme s’il était
touché par la grâce. Il chante et contemple son membre comme s’il s’agissait
d’un astre de lumière. Si, à cet instant, il s’accouple, les quelques coups de
boutoirs donnés peuvent procurer à sa partenaire plus de 49 orgasmes.
L’ultime bandaison se
manifeste à n’importe quel âge, n’importe quel moment, aussi bien à 24 qu’à 95
ans, de jour comme de nuit. Peu d’hommes sont capables de la prévoir. N’ayant
pas conscience qu’elle est leur finalité – la mort est secondaire – ils ne s’y
préparent pas. Aussi, ils passent la majeure partie de leur existence dans
l’obscurité. Un beau matin, ils se réveillent sans être plus capable de bander
et ils deviennent irrémédiablement tristes. S’ils avaient pu assister au
miracle de 30 secondes qui s’est produit pendant leur sommeil, jamais ils ne
l’auraient été. Un tel spectacle annihile tous les plus beaux souvenirs. Oublie
t-on un continent qui nait ?
Parfois, dans les lieux publics, des hommes
sourient gracieusement, submergé par un bonheur qui leur semble sans cause. Irrésistiblement
attirées, les femmes les dévorent des yeux en ayant des mimiques enjôleuses.
L’ultime bandaison a encore frappé.
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