C’est
un bar de déglingos
Les
touristes asiatiques n’y mettent pas les pieds
Préférant
la brasserie rutilante à l’angle de l’avenue
Avec
ses serveurs en tenue proprette
Les
recalés de la vie s’y rassemblent
Asile
au milieu de ce bourbier infâme
Oasis
dans cet ahurissant bordel
Ils
viennent des habitations pas chères
En
briques jaunes ou rouges, aux crasseuses fenêtres
Situées
derrière les rails du tramway qui font comme une frontière
Il
y a cet homme à la gueule fracassée qui fume comme un pompier
Cette
vieille maigrichonne a
vec son béret vissé sur la tête
Qui
boit uniquement des kirs
Ce
petit vieux couperosé et son compère, grand lecteur du Parigo
Monsieur
Pérache, employé dans un ministère
Les
deux cantonniers, Jérôme et Mickaël
Christophe,
Raymond, Ibrahim, Aziz, Marie-Hélène
Ils
restent le temps qu’ils veulent dans le commerce
Scellée
au plafond, une télé diffuse en continu les infos
Les
patrons changent la chaîne quand passe un match de foot
Abdel
qui s’occupe de la cuisine supporte Marseille
J’y
vais régulièrement
Je
m’installe dans un coin, silencieux
Et
bois mon café en contemplant
Des
heures durant
La
rue
Le
tram qui passe et repasse
Ces
naufragés touchants qui se laissent dériver
Indifférents
au sort qui les attend
Et
à eux-mêmes