2019/03/30
2019/03/29
4. The tree of life (4/4) : chez Élodie
Ils entrèrent dans un studio sobrement
décoré. Une odeur de propre flottait dans le lieu comme si le ménage avait été
fait juste avant leur arrivée.
Élodie déposa son sac au pied du clic-clac et
récupéra sur la table basse un mug contenant un fond tiède de thé au citron.
- S’xcuse moi pour le bordel.
Il remarqua alors l’étagère occupant un pan
entier de mur, garnie de bas en haut de DVD. Il devait y en avoir plus de deux
cent.
- Comment fais-tu pour attraper ceux près du
plafond ?
Elle alluma le lecteur DVD et la télé.
- J’attends qu’ils tombent. Je t’en prie,
mets-toi à l’aise.
Tout en se délestant de sa veste, il fixait
toujours les DVD au-dessus de lui s’imaginant leur chute à la manière des
feuilles d’automne.
- Je suppose que moins tu aimes les films
plus tu les ranges en hauteur.
- J’aime tous les films qui sont ici !
répondit-elle avec agressivité.
Cette réaction abrupte le refroidit. Il
s’abstint d’émettre une nouvelle remarque sur les DVD inaccessibles.
- Tu veux boire quelque chose ?
demanda-t-elle d’une voix mielleuse.
- Pas de refus.
Elle disparut dans la cuisine.
Il s’approcha de l’impressionnante collection
à la recherche d’un film qu’il avait déjà vu. Tiens, Fight Club. Il le prit et
l’examina sous toutes les coutures. Deux croix avaient été inscrites au feutre
noir et sur un coin de la jaquette. Il la rangea et prit le suivant, Seven.
Quatre croix formaient une ligne au même endroit. Était-ce une note ?
- Tu aimes David Fincher ?
Elle lui tendait un verre de vin rouge. Sous
l’éclairage multiple et indirect son visage paraissait parfaitement lisse et
ses lèvres charnues appétissantes comme des bonbons.
- Ouais, Seven c’était super.
- Fight Club reste son meilleur film,
asséna-t-elle péremptoirement.
Les notes étaient donc à interpréter dans
l’autre sens. Moins Elodie mettait de croix plus elle trouvait le film bon.
Elle tira les rideaux, faisant disparaître
l’immeuble voisin dont la majorité des fenêtres étaient noires et s’installa à
côté d’Étienne.
- Aux chefs d’œuvres ! dit-elle avec
emphase en cognant son verre contre le sien.
Ils burent puis regardèrent l’écran du
téléviseur sur lequel s’affichait le menu du film.
S’emparant de la télécommande, Elodie
sélectionna la version originale sous-titrée et l’enclencha.
Le film paraissait encore plus chiant au
deuxième visionnage. Cependant Éienne était tellement excité par la présence d’Élodie
qu’il ne ressentait pas la fatigue. Il lui jetait parfois des coups d’œil de
biais tout en approchant subrepticement sa main de sa cuisse. Elle, demeurait
imperturbable. Les yeux rivés sur l’écran, elle entrouvrait de temps à autre la
bouche et frissonnait. La main d’Étienne atteignit son objectif. Aussitôt, il
la fixa. La lumière bleue que l’écran projetait sur son visage lui donnait un
air menaçant, terrible. Comme si toute sa colère s’y était concentrée, prête à
une explosion dévastatrice. Il retira sa main, penaud. À sa grande surprise elle
sourit puis lui caressa l’entrecuisse. « Laisse toi faire »
murmura-t-elle en s’agenouillant entre ses jambes.
Interdit, c’était maintenant lui qui gardait
les yeux fixés sur le film. Elle le suça d’abord doucement, léchouillant son
gland avec la pointe de la langue. Puis elle avala son membre entièrement.
« Putain » gémit-il.
Tout en le branlant, elle poursuivit sa
savoureuse pipe. Il ne savait plus où il était et qui il était. Les cuisses
écartées, il se laissait aspirer, chambouler par la bouche insatiable et gourmande d’Élodie.
Leurs regards se croisèrent et son sexe trembla.
« Sur mes lunettes ! »
hurla-t-elle « Mes lunettes ! ».
Obéissant, son sperme s’étala en plusieurs
jets fougueux où elle avait exigé.
Elle poussa un cri de joie puis posa sa
monture sur la table basse.
Le visage extatique, Étienne chercha à
l’embrasser mais elle le repoussa.
« Bin quoi ? » fit-il,
désarçonné.
Elle ne répondit rien extirpant un appareil
photo de son sac et se positionnant face à ses lunettes.
« Non… ne me dis pas que tu vas… ».
Le flash aveuglant de l’appareil
l’interrompit. Il se ratatina, fébrile. Apparemment satisfaite de sa photo,
Elodie se remit à sa place, nettoya méticuleusement ses lunettes et les chaussa
à nouveau. Elle prit ensuite la jaquette du film et avec un feutre de noir y
inscrivit une croix. Une musique grandiloquente retentissait dans la pièce.
Elle la baissa légèrement, reprenant son air impassible.
FIN
2019/03/28
3. The tree of life (3/4) : le rendez-vous
Au clou du spectacle, Élodie s’était
installée à une table en terrasse. Il ne l’aurait pas reconnue si la jeune
femme ne l’avait pas hélé. Elle était toute pimpante avec ses lunettes rouges
et ses cheveux noirs et bouclés. Et surtout ses gros nichons. Étonnamment, Étienne
n’en avait pas gardé le souvenir. Peut-être avait-elle subi une
opération ? Quoi qu’il en soit, c’était une très bonne surprise.
Ils se firent la bise.
- J’ai trop la dalle, l’informa Élodie.
Partant pour une assiette de charcuterie ?
Étienne acquiesça puis lui tendit le DVD.
Elle examina la jaquette attentivement. Une
expression bizarre passa furtivement sur son visage. Un mélange
d’insatisfaction et d’agacement.
- Alors tu as aimé ? lui demanda-t-elle
avec un sourire charmant.
- Je ne dirais qu’une phrase, rétorqua-t-il,
j’ai A-DO-RÉ !
Son sourire s’élargit :
- Génial, non ?
- Brillant. Absolument brillant. De A à Z.
- Brad Pitt est méconnaissable. Je ne pensais
pas qu’il était capable de jouer comme ça. Quant à Sean Penn, égal à lui-même.
Bien qu’il ne se rappelait pas que Sean Penn
était dans le film, il approuva.
Une douce chaleur les cajolait,
exceptionnelle à cette période de la saison. À côté d’eux toutes les tables
étaient occupées. Un grand nombre de passants flânaient s’arrêtant parfois pour
étudier les prix des menus des restaurants.
- Pour ce film, Malick est parvenu au sommet
de son art, reprit Élodie. T’as vu ces incroyables mouvements de caméra. Cette
fluidité ! On a l’impression que le regard coule. Et puis paf ! D’un
coup il s’arrête et devient contemplatif. J’ai adoré cette scène où, de la cime
d’un arbre, on voit les enfants jouer. Comme si le végétal les protégeait du
monde cruel des adultes par son regard bienveillant.
Elle marqua une pause, attendant une réaction
d’Étienne.
- Et moi, bredouilla-t-il, j’ai bien aimé
quand on voit le dinosaure.
Il se gratta nerveusement la tempe.
- C’était vachement impressionnant.
Elodie sourit.
- Ouais, à donf !
Pour accompagner leur plateau de charcuterie
ils prirent deux pintes de bière. Petit à petit, leurs langues se délièrent.
Ils parlèrent de tout et de rien et se racontèrent chacun un peu leur vie (plus
lui qu’elle d’ailleurs). Un bon feeling passait entre eux et il se dit qu’il y
avait moyen d’approfondir leur relation. À la fin de leur troisième bière, il
lui proposa d’aller revoir le film chez lui.
Elle éclata de rire :
- C’est une bonne idée mais je préférerai
chez moi.
- J’ai un écran HD.
- M’en fiche. En plus, je risquerai de
l’oublier et ça annulerait tous nos efforts. Non, on va chez moi.
Il sut qu’il n’y avait plus à insister.
The tree of life (2/4) : le visionnage du film de Terrence Malick
Au rayon vidéos de la FNAC, il mit du temps à
trouver le DVD de « The tree of life ». Un vendeur derrière un
pupitre l’orienta vers le bon rayon. Il n’en restait plus qu’un (à moins qu’il
n’y en est toujours eu qu’un). Revenant vers le vendeur, il lui demanda si le
film était bien. L’autre eut un haussement d’épaules difficilement
interprétable.
De retour chez lui, Étienne déballa le DVD.
Vraiment, l’affiche du film sur la jaquette
où l’on voyait la gueule de Brad Pitt en gros plan avec un air ahuri ne l’encourageait
pas à le mater. Il alla dans la cuisine et but à la bouteille du coca. Puis il
appela des potes en arpentant la salle de séjour en long et en large. Ensuite,
il se connecta sur un jeu en ligne où il fallait survivre à des attaques de
zombies. Après avoir subi une morsure à la gorge, il se décida à insérer le DVD
dans le lecteur. Il était une heure du mat’ et on n’entendait pas un chat. Au
bout de cinq minutes de film, il sombra dans le sommeil.
Le lendemain, il se força à visionner « the
tree of Life ». Ce fut un calvaire. Le film était si obscur et si lent
qu’il s’endormit à plusieurs reprises.
« Qu’est-ce que c’est que cette
daube ? » beugla-t-il en ouvrant pour la énième fois les yeux. Il
saisit la jaquette et lut son dos. Aussi incroyable que cela puisse paraitre,
ce film avait bel et bien obtenu le prix suprême à Cannes.
Dubitatif, Étienne fixa l’écran où des images
de nature se succédaient avec une lenteur exaspérante. On aurait dit un
documentaire sur la chasse en plus chiant. À bout de patience, il arrêta la
lecture et se connecta à son jeu de zombies.
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