J’ai froid au départ. Mais c’est normal. Très vite, le corps
chauffe avec les coups de pédale. La nuit tombe. Au bout de la rue, les tours
de la Défense font penser aux éléments d’une station lunaire. Restaus et bars
alternent, occupés par une clientèle jeune et huppée. Je prends la direction du
bois de Boulogne.
Succession d’appart’ luxueux aux pièces spacieuses et aérées
dans lesquelles on aperçoit parfois une personne seule et oisive. Les arbres me
renvoient une forte odeur de printemps. On n’a pas du tout l’impression d’être
dans la ville ici. Bulle de nature et de paix. Au niveau du palais des congrès,
je rejoins la circulation. Robligé de faire gaffe. Les quatre roues mécaniques
n’aiment pas les deux roues manuelles et ne se mettent pas à leur place (et
puis quoi encore !).
Une fille avec un chignon sur une monture semblable à
la mienne semble me suivre. Nous débouchons sur un grand rond point vicieux.
Caisses allant et venant comme des balles, comme si ce genre d’aménagement les
excitait (c’est bien connu, le cercle emballe !). Les différentes artères
de ce cœur en béton passées, je reprends ma traversée des beaux quartiers. La
fille au chignon n’est plus derrière moi.
À ma droite, des terrains de foot et
de tennis. À ma gauche, de grands bâtiments aux vastes fenêtres exhibant leurs intérieurs
somptueux, avec leurs plafonds hauts, leurs meubles raffinés, leurs tableaux
incroyables. Personne sur les trottoirs. Juste les silhouettes rassurantes et
stoïques des arbres. Parfois, la voix mâle d’un footballeur parvient jusqu’à
moi : « Derrière ! Derrière ! » Je le cherche des yeux
comme si j’avais le ballon.
Une descente. Les habitations changent, moins
pompeuses et tarabiscotées. J’aperçois un bout de parc des princes dans une rue
adjacente. Nouveau grand rond point, occupé en partie par un amas de taxis
garés n’importe comment. Je pense aux côtes que je vais devoir bientôt
affronter. Il y a celle du pont de Garigliano et puis, plus loin, la plus dure,
celle de la porte de Versailles, avec son faux plat pénible à la fin. Une Smart
s’arrête juste devant moi et met ses feux de détresse, m’obligeant à faire un
périlleux écart (juste derrière les express et les scooters, les pires
prédateurs de vélo sont les Smart).
Sur le pont, une femme aux cheveux noirs et
bouclés martèle de ses talons l’asphalte. Je lui adresse un sourire que, d’un
regard, elle balancera sans état d’âme par-dessus le parapet.
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