2021/02/11

Course poursuite dans LA (Hollywood Cauchemars 27)

 


 

Ce n’est qu’en m’arrêtant à un feu que je compris mon erreur. Johnny Depp n’avait pas lâché l’affaire. Il se trouvait juste derrière moi au volant d’une chevrolet corvette de collection rouge et blanche.

Infiniment content de lui et de sa filature de vieux briscard de la LAPD, il déboita et se rangea à ma hauteur. Mon cœur foira un battement. Le temps de ce déplacement, le visage de l’acteur avait changé d’aspect, grimé et orné d’accessoires par des mains invisibles.

Jack Sparrow me fixait de son regard d’extraterrestre qui vient de poser son spatio camping car sur une grue de chantier.

- Alors poulette, tu comptais te faire la malle ? persifla-t-il en agitant ses doigts bagués sur le dessus du siège passager.

Choquée, je me mordis la lèvre inférieure. L’individu ricanant devant moi avait-il encore conscience d’être un acteur ? À sa façon de me lorgner comme une proie et à ses acrobaties de langue me promettant des humectations radicales et vicieuses, je n’en étais plus sûre.

Et s’il n’y avait eu que ça. Autre chose me déstabilisait qui n’avait rien à voir avec l’apparition de ce personnage caricatural et sa stupide pantomime.

Les gens sur les trottoirs s’étaient immobilisés et nous fixaient avec insistance. Tel cet employé de fast food qui avait cessé de jeter ses sacs de déchets dans la benne à ordures. Ou encore cette femme avec son doberman, complétement tournée vers nous et ignorant les à-coups violents de sa bête fougueuse.

Tous affichaient le même air captivé comme si un événement magique se déroulait sous leurs yeux. Comme si Jack Sparrow et moi n’étions pas vraiment réels et nous trouvions dans un monde parallèle... Sur un écran de cinéma.

Seul un réflexe de survie me sortit de ma sidération. Constatant que le pirate grand guignolesque avait dégainé un mousquet, je démarrai sur des chapeaux de roue et pourfendis le flot des bagnoles passant au vert.

Crissements de pneu et avalanche de klaxons accompagnèrent mon passage en force. Dans le rétroviseur, la Chevrolet Corvette me collait l’arrière train telle une putain de sangsue. Content de la pagaille occasionnée, son conducteur tirait des coups de feu en l’air et aboyait plus fort que ceux scandalisés par ce grillage inconscient.

Tu vas te réveiller, Stacy, pensai-je, tu vas te réveiller comme si la répétition de cette formule allait me sortir du sommeil et m’enlever en un claquement de doigts de ce cauchemar dément.

Or, je le savais, il n’en était rien. Je n’étais pas en train de rêver. J’étais bien dans ma bagnole sur le Beverly Boulevard poursuivie par Jack Sparrow en chair et en os. Il ne servait à rien de me convaincre du contraire. C’était les faits de la même manière que le soleil à LA brille trois cent quatre-vingt jours par an !

Si je voulais me débarrasser de cet enfoiré je n’avais pas d’autre choix que de le semer. Aussi, décidai-je de concentrer toute mon attention sur cet objectif quitte à prendre certains risques. Ah, tu veux jouer Jack éh bien on va jouer !

Bifurquant brusquement sur la North Vermont avenue, je doublai in extremis une camionnette en fin de vie conduite par un vieux latino mal voyant puis ralentis.

La priorité me disais-je, était d’aller à l’opposé de mon quartier de résidence. Entrainer ce connard à des années lumières de chez moi pour ne pas lui donner l’idée d’y fureter. Ensuite, quand je serai suffisamment à distance, saisir une opportunité pour prendre la poudre d’escampette.

Il y avait également une autre option mais elle me semblait moins probante. Elle consistait à attirer l’attention des poulets en commettant une infraction devant leurs yeux. Seulement, comme le dit si bien l’adage, il y avait de fortes chances pour que je n’en croise aucun vu mon urgence. D’autre part, j’avais l’intuition qu’ils seraient dans le même état de passivité que les badauds de tout à l’heure en cas de rencontre. Oui, qu’ils n’interviendraient pas et se contenteraient d’observer la scène comme de vulgaires spectateurs.

D’ailleurs, c’était ce que je remarquais chez tous ceux qui n’interagissaient pas directement avec moi. Ils se figeaient, ne bougeant plus que leurs têtes pour me suivre des yeux, pantins aux airs inexpressifs et inquiétants.

J’atteignis l’East 92nd street en utilisant les techniques de doublages nerveux et de grillages de feu intempestifs.

Derrière moi, le pirate dont l’accoutrement aurait foutu les boules à un sapin de Noël me talonnait toujours. Pas une seule fois il n’avait essayé de shooter sur mon véhicule, ne serait-ce que dans les pneus.

Au début de notre balade, il avait braqué son arme dans ma direction mais très vite il avait arrêté. Sans doute cela ne l’amusait-il plus ? À moins que ses munitions soient épuisées ce dont je doutais.

Quoi qu’il en soit, ce jeu du chat et de la souris avait assez duré. J’en avais ras le cul. Je m’étais suffisamment éloignée de mon quartier pour tenter un truc. Seulement quoi ? Accélérer brusquement ne fonctionnerait pas. Même si je possédais une caisse plus puissante que cette enflure.

À cette heure, la highway regorgeait de travailleurs miteux de la middle class retournant chez eux. En m’y engageant, je m’empêtrerai immanquablement dans le troupeau et Jack Sparrow n’aurait aucun mal à me rattraper. Voulais-je lui procurer ce séisme au slibard ? Non. Certainement pas. Il avait assez joui à mes dépens comme ça.

Au feu suivant, sur le Long Beach Boulevard, j’eus enfin une idée.

Alors que le clown tricorné faisait ronfler son moteur avec la légèreté d'un biker ivre mort, j’avançai soudainement puis reculai aussitôt, lui rentrant dans le lard.

Le choc fut terrible. Surtout pour la Corvette dont les phares se brisèrent et la calandre se froissa.

Encore sous le coup de la surprise, Jack Sparrow clignait des yeux frénétiquement. Ses mains étranglaient le volant tandis que sa lèvre inférieure pendait de traviole. Un thon venant d’être pêché n’aurait pas mieux exprimé l’hébétude, ce moment où le monde vous composte un aller-retour en pleine face. Si j’avais eu le temps de fouiller dans mon sac, je l’aurais volontiers immortalisé avec mon Iphone 7. Hélas, ce ne serait pas pour cette fois. Adieu les com’ et « j’aime » sur Facebook et autres Instagram.

Espérant avoir sérieusement endommagé la caisse du zig, je remis les gaz. J’étais si excitée et si focalisée sur les effets de ma rébellion dans le rétro que je ne remarquai pas tout de suite le nouveau problème qui grossissait devant moi.

Je freinai in extremis, faisant crisser les pneus. L’échine et la tête courbées, l’homme m’exhibait les paumes de ses mains comme m’adressant une supplication. Qu’est-ce qui m’attendait encore ? Et pourquoi ce type s’était-il fichu en plein milieu de la route ? Était-ce un fou ? Un candidat au suicide ? Ou pire, un complice de l’autre maboule (entre parenthèses, au loin son véhicule n’avait pas bougé et fumait du capot. J’avais fait mouche) ?

Évidemment, rien de tout cela. Se redressant, il me jeta un regard où se lisait un niveau d’emmerdes incommensurable. Je lui répondis par un regard élastique, étiré d’un côté par la peur et de l’autre par l’étonnement.

Ce gars qui trimbalait sur lui un lourd panneau publicitaire et avec une barbe de trois jours suggérant une sévère gueule de bois, c’était Bruce Willis ! Ou plutôt non c’était John McClane de Die Hard !

2021/02/10

oxygène (pensée)

 


 Paradoxalement, en cette époque de crise sanitaire, la cigarette permet de respirer.

2021/02/09

Performance (pensée)


C’est le rêve de tout boss : parvenir à ce que leurs employés manifestent la même motivation au boulot que l’usager qui pénètre dans la rame au moment de la fermeture des portes.

2021/02/08

2021/02/04

2021/02/03

Partie de cache-cache dans le magasin bio (Hollywood Cauchemars 26)


 

 

Si vous aimez deux personnes en même temps, choisissez la seconde. Parce que si vous avez vraiment aimé la première, vous ne seriez pas tombé amoureux de la deuxième - Johnny Depp

Avez-vous entendu quelque chose d'utile sortir de la bouche d'un acteur ces derniers temps?  - Bruce Willis 

 

Dans le rayon des boissons, mon regard tomba tout de suite sur lui. Il était en train d’examiner les jus de fruits, un sac de course léopard dans la main.

De bas en haut, il portait : des santiags bleues, un jean troué, une veste noire sans manche et un chapeau en paille. Johnny Depp. Qu’est-ce qu’il foutait là ?

Depuis que j’habitais dans le coin, je ne l’avais jamais rencontré et voilà qu’il apparaissait soudainement avec son sac de course invraisemblable dans mon magasin bio.

Je ne pus m’empêcher de repenser à la vision que j’avais eue l’autre fois dans la salle de sport. N’avait-elle pas agi comme une prémonition ?

Putain, j’en avais les chevilles flageolantes. Non seulement mon pouvoir d’attraction sur les acteurs s’amplifiait mais en plus je connaissais par une sorte de sixième sens le prochain avec qui je fricoterai.

Cela expliquait pourquoi James Franco ne m’était pas apparu avant le café. Nous n’avions pas baisé ensemble (cet enfoiré avait bien tenté dans l’hôtel mais je l’avais aussitôt rembarré, menaçant de le laisser comme un con la bite en rade et les couilles pleines. Entre parenthèse, la branlette à deux doigts s’avéra une mauvaise affaire et si j’avais eu un sixième sens pour deviner l’avenir, croyez bien que j’aurais planté James Franco dans le café lui abandonnant l’addition que j’avais pourtant tenu à régler. Ça lui aurait défrisé le bouc et tassé le boulard dans les chaussettes. J’avais perdu quinze précieuses minutes de mon existence en le suivant. Tout ça pour un renseignement de merde. Le même d’ailleurs que ma copine Linda. Maître G. En me le disant, James Franco avait cru que j’allais lui en être reconnaissante d’une sodomie à sec. La gueule qu’il fit en voyant la mienne et en remarquant ma répulsion devant la carte du médium qu’il me tendait. Dans le top des offenses qu’il avait subies, celle-ci avait direct obtenu une place sur le podium. Au moins médaille d’argent. Je lui aurais craché à la gueule, ç’aurait été pareil).

Là, si Johnny Depp m’accostait, je savais que je ne résisterai pas à ses avances. Nous baiserions et forcément, je m’enliserai un peu plus dans les sables mouvants nocifs dans lesquels j’étais déjà bien enfoncée.

Cette baise comme une prise de LSD, alimenterait le processus avancé d’altération de ma réalité, la truffant à nouveau d’éléments cinématographiques : un dialogue, une scène, un extrait. Et je le craignais, tout ça pour me conduire à un autre rapport avec un autre acteur encore plus infectieux, déformateur de réel.

Aussi tachai-je de me faire la plus discrète possible en passant à côté de lui.

Manque de bol, il tourna la tête dans ma direction juste à ce moment-là.

Le cœur battant, je bifurquai vers la boucherie et feignis d’examiner des steaks.

L’employé qui me connaissais me jeta un regard stupéfait, je ne prenais jamais de viande et n’hésitais pas à afficher mon mépris devant cet étal que j’estimais inutile et affligeant.

Comme je le redoutais, Johnny Depp ne tarda pas à venir, les yeux brillants de convoitise sur ma personne. Il allait ouvrir la bouche quand je partis en trombe telle une formule 1 après le plein d’essence.

- Eh bé, entendis-je dans mon dos tandis je manquai de peu de me cogner contre une femme plus ridée qu’un cul de vache.

- Eh oh attention !, prouta-t-elle, choquée par mon surgissement bordeline.

Virant à droite, je ne lui répondis pas et me servis des graines de courge et de sésame. Pas de raison que je me laisse aller à la panique à cause de la présence de la star.

Bon, j’y croyais moyen mais s’il était un tant soit peu raisonnable, il n’insisterait pas. Pensée qui fut aussitôt contredite par la venue de l’intéressé, déterminé à faire ma connaissance (je le lisais dans ses yeux) quitte à montrer les griffes de son sac léopard ou les lames en acier de ses santiags.

Ni une ni deux, je lui tournai le dos et, empruntant un chemin tortueux, retournai au rayon barbaque.

En me revoyant, l’employé eut une mimique déconcertée, peut-être crut-il en premier lieu que je cherchais à le draguer ?

Cependant, à l’apparition de Johnny Depp et surtout à mon air désemparé, l’homme comprit la situation et essaya de me venir en aide :

- Euh, monsieur Depp…, fit-il sur un ton beaucoup trop déférent pour être net.

- Non, non, pas le temps pour un autographe, l’envoya bouler l’autre d’une secousse de sac félin.

Merde, merde et remerde, pensai-je en remettant la gomme dans le sens inverse de mon poursuivant acharné. Sauf que dans ma précipitation, je ne me rendis pas compte que je revenais vers l’entrée au niveau des portiques.

Remerde, remerde et reremerde, j’étais bloquée !

Constatant mon erreur, un sourire jubilatoire se dessina sur le visage de Johnny Depp. Une dizaine de mètres nous séparait comme le compte à rebours d’un piège fatal, dans quelques pas, il m’aborderait, me ferait son numéro de charme dix mille fois répété et aux variantes habiles, j’accepterai son invitation à boire et nous coucherions ensemble, c’était écrit, inéluctable !

Au trois quart résignée, je sentis alors une légère pression au niveau de mes fesses. Le portique s’ouvrait au passage d’un jeune couple de cadres tirés à quatre épingles. L’aubaine inespérée !

Balançant mes sachets de graines sur l’acteur, je pivotai plus vite que mon ombre et m’enfonçai dans la brèche créée par mes deux anges gardiens.

- ‘tain ! entendis-je derrière moi tandis que je filai à toute allure vers ma caisse.

Johnny Depp sortit du magasin au moment je m’installai au volant (m’agrippai est une expression plus juste). Il n’avait plus son immonde sac à provisions sur lui sans doute confisqué par le gros vigile noir (à qui son employeur ne devait pas accorder de réduction sur la marchandise).

Pareil pour son sourire qui était de l’histoire ancienne. Maintenant, l’homme trimbalait sur sa face la panoplie complète d’un commando des forces spéciales, dents poignards, nez grenades, z’yeux kalach, l’ensemble en action !

Visiblement, il n’avait pas du tout apprécié que je me déleste de mes courses sur lui (collée à sa joue, une graine de courge faisait de la résistance et évoquait un début de maladie de peau) et comptait bien me rendre la monnaie de ma pièce à la puissance dix. Comment ?

Je ne préférais pas le savoir. Du pouce droit, j’appuyai sur le bouton de démarrage. Alors que ma Lexus LC était quasi neuve, que son réservoir était quasi plein et que de ma vie de conductrice je n’avais jamais connu un seul pépin, le moteur toussota puis s’éteignit dans la foulée.

Horrifiée, je remis le contact. L’acteur qui avait débuté sa carrière dans a nightmare on Elm Street sourit et ralentit ostensiblement son allure. Conscient de mon problème, il semblait vouloir vérifier la règle des films d’épouvante selon laquelle plus le méchant prend son temps plus sa victime, malgré ses gesticulations, accumule les emmerdes et finalement se prend un coup de hache dans la gueule.

Encore une fois, après plusieurs halètements poussifs, le moteur cala. Dégoulinante de sueur, je jaugeai la distance entre Johnny Depp et moi.

Tenter une sortie était inutile, l’homme était trop proche maintenant. Et même si je me mettais à hurler, il y avait peu de chance pour que les gens prennent ma défense. Une star du cinéma était considérée comme un dieu ici. Il pouvait se comporter comme le dernier des porcs, on l’excuserait au nom de son soi-disant génie et de sa filmographie épatante.

Pas le choix donc. Je devais démarrer coûte que coûte cette maudite bagnole. Malgré moi, j’adoptai l’attitude des futurs cadavres que le psychopathe du septième art range avec soin dans son repaire comme des pièces de collection et que l’ultime survivante va découvrir dans la scène finale.

Rappuyant à plusieurs reprises sur le bouton de démarrage, je me mis à taper du poing sur le tableau de bord, à gueuler comme une hystérique : « démarre, mais démarre ! », à jeter des regards terrorisés sur Johnny Depp et à chialer outrageusement. Manquaient plus que la nuit, la pluie et la musique d’ambiance.

Alors que je n’y croyais plus, le moteur s’enclencha pile poil au moment où l’acteur posait sa main sur la poignée de la portière.

Poussant un cri de soulagement (ou plutôt d’accouchement qui se passe mal) je reculai brutalement, à la limite d’emboutir la fripée de tout à l’heure.

Rayée de trouille (ses rides s’étaient à la fois creusées et allongées marbrant sa face de momie trop mate) celle-ci lâcha son cabas et fixa mon véhicule comme si la mort lui souriait.

Je la klaxonnai afin qu’elle réagisse.

Vite remis de ma manœuvre soudaine, Johnny Depp rappliquait. Une fureur animale crispait son sourire aux dents parfaites que je savais capables de mordre dans l’acier. Du moins, c’était mon sentiment à cet instant-là. J’étais prête à toutes les extrémités pour sauver ma peau. Comme par exemple celle d’écraser la vioque.

Fort heureusement pour elle, son instinct la fit s’écarter de mon chemin. Ses courses par contre subirent un sort moins enviable. Elles explosèrent sous la pression de ma roue arrière.

Bah, pensai-je en m’engageant dans le boulevard à tombeau ouvert, c’était un moindre mal.

 

2021/02/02

blablabla (Pensée)

 

En fait, le train maintenant c'est comme si tu étais dans une cabine téléphonique collective sur roues.