La ligne 13 marque des arrêts si longs que tu en arrives à croire que tu attends sur le quai.
Une inscription dans la rue d'Argenteuil du 1er arrondissement : Malheureuse que je suis, je ne sais pas élever mon cœur jusqu'à ma bouche.
Lorsque je suis debout, adossé au strapontin et que je m'écarte un peu, neuf fois sur dix, la personne que j'invite à s'installer à côté de moi rogne sur mon espace.
Quelques pâtés de maison. Mouais... Sean avait une idée vraiment personnelle de ce que représentaient quelques pâtés de maison. Nous avons remonté à pied toute la North Western avenue jusqu’à la Franklin avenue dans le quartier chic d’Hollywood Hills. À la fin, je tirai la langue (intérieurement s’entend). Jamais de ma vie je n’avais marché une telle distance. Qui plus est avec des talons. Cependant, je tâchais de ne rien en laisser paraître. J’étais avec Sean Penn. Je n’avais pas le droit de montrer des signes de faiblesse.
Tandis que nous marchions, les passants nous dévisageaient. Qui était cette grande et belle femme blonde aux côtés de l’acteur célèbre ? s’interrogeaient-ils certainement. Sean, lui, semblait ignorer les gens. La tête et le buste droits, il avançait avec détermination donnant une impression d’invulnérabilité. Où m’amenait-il ? Et surtout quelle était son intention ? Peut-être n’avait-il pas avalé que je frappe son chien et comptait-il me corriger à l’abri des regards ? Qu’en savais-je après tout ?
Depuis l’incident, il n’avait pas décroché un mot et mes tentatives d’engager la conversation avec lui avaient échoué. De plus, si son animal me lançait parfois des coups d’œil méchants, lui ne daignait pas du tout me regarder. Comme si je ne méritais pas son attention ou qu’il réfléchissait à quelques châtiments cruels. Et pourtant, malgré ma crainte, je continuai de l’accompagner, fière. Comme quoi, on est prête à subir les pires outrages quand on est raide dingue d’un mec.
Nous pénétrâmes dans une superbe résidence entourée d’un parc parfaitement entretenu.
À l’intérieur de la maison, tout était propre et luxueux. On se serait cru dans un magasin tant chaque objet brillait intensément. Partout, des moquettes s’étalaient, épaisses comme des fourrures. Le plus souvent, des motifs de fleurs figuraient dessus. Il y avait aussi de nombreuses sculptures abstraites ainsi que des tableaux disposés de manière à ce que la lumière du soleil transperçant les baies vitrées les mette en valeur. À travers certaines d’entre elles, on pouvait voir également l’eau scintillante et bleutée de la piscine, promesse d’un bain de quiétude.
Ce ne fut qu’ici, dans le salon, que Sean parut se rendre compte de ma présence.
- Bouge pas, dit-il. Je reviens tout de suite.
Et il quitta la pièce avec son chien qui, en guise d’au revoir, m’injuria d’un jappement haineux.